Debout sur la crête d’une dune, face aux tourbillons de poussière blanche, elle tentait de mieux voir un objet, au loin.

L’entité qui avait son visage continuait de la traquer… Elle aurait dû fuir. Mais elle n’en avait plus l’énergie. A quoi bon ? Tôt ou tard, le monstre la rattraperait…

C’était inévitable, alors pourquoi s’épuiser ?

Autant s’arrêter là et se résigner à son sort.

L’instant d’après, elle s’en voulut de cette attitude défaitiste. Pourquoi tant de fatalisme ? Elle était poursuivie depuis si longtemps…

Mais serait-elle plus rapide que le serpent ?

Ses yeux la brûlaient. Battant des cils pour chasser les grains de poussière qui l’irritaient, elle redoubla d’efforts.

Presque soulagée, elle découvrit que l'« objet » était un Transport Blindé Tout Terrain. Au pied du véhicule se pressaient des personnes qu’elle connaissait.

— Lowbacca ? Jacen ?

Personne ne répondit. Ne la voyaient-ils pas gesticuler en les appelant ? Mais le vent emportait tout ce qu’elle criait.

Soudain, la « tête » du TB-TT pivota vers elle, ses canons la prenant pour cible.

— Attendez, c’est moi ! Je vous en prie…

L’engin ouvrit le feu – sans détonation pour accompagner le tir. Une boule noire vola avec précision dans les airs…

Pourquoi ses amis l’avaient-ils prise pour cible ?

Comme paralysée sur place, elle éclata en sanglots. Ses larmes, mêlées au sable, formèrent une sorte de glu qui lui colla aux pieds.

— Ils te prennent pour moi…, chuchota une voix à son oreille.

Elle retint son souffle, soudain affolée à l’idée de tourner la tête pour voir de qui il s’agissait. Au fond, elle savait déjà…

Elle découvrirait derrière elle le monstre qui avait pris son visage…

La jeune femme leva une main pour toucher les cicatrices, sur son front. Puis elle baissa les yeux sur les nouvelles qui zébraient ses bras. Elle posa le bout des doigts sur les lèvres des plaies à vif qui suppuraient, surprise par leur contact doux et humide.

— Tu te souviens de moi ? Tu ne peux pas m’avoir si vite oublié… Tu m’as abandonné, moi aussi. Comme lui. N’est-ce pas ?

Un bras couvert de blessures récentes se tendit par-dessus son épaule pour désigner le TB-TT. La jeune femme cilla, chassant ses larmes, et revit le petit groupe, au pied de l’engin, dans la même position.

Sauf que…

… L’une d’elles gisait dans le sable.

Ses souvenirs se télescopant, elle perdit tout espoir de se cramponner à la réalité. Elle ne savait plus où elle en était.

— Je ne l’ai pas abandonné ! protesta-t-elle.

— Souviens-toi de moi !

— Riina… ?

La jeune femme répugnait toujours à se retourner pour en avoir le cœur net.

Puis elle entendit le grognement distant du reptile qui criait son nom.

Un autre tir… La sphère noire se révéla être un essaim de flitnats. Elle attendit de pied ferme les insectes, résolue à ne pas tourner les talons. Même si un sentiment aigu de futilité l’accablait.

— Pourquoi la Force ne s’ouvrirait-elle pas à moi, pour une fois ?

En désespoir de cause, la jeune femme voulut rejoindre ses amis. Mais l’espèce de glu, sous ses pieds, entravait ses mouvements. Elle escalada des dunes sans jamais se rapprocher de son but, ni parvenir à semer le monstre collé à ses basques qui lui murmurait des horreurs pour raviver ses regrets et sa culpabilité…

Elle tenta de courir. Les flitnats bourdonnèrent de plus en plus fort à ses oreilles…

 

Revenue à elle au son strident des alarmes et des cris, Tahiri s’assit dans son lit. La vue brouillée, la tête lui tournait.

— Que se passe-t-il ?

Les contours flous d’un droïd doré passèrent dans son champ de vision.

— Oh, maîtresse Tahiri… Enfin, vous êtes réveillée !

— C-3PO ? (Désorientée, la jeune femme se massa les tempes.) C’est bien toi ?

— Dans les circonstances présentes, je regretterais presque d’être moi, maîtresse Tahiri ! Et je donnerais cher pour être n’importe où ailleurs…

— Pas d’affolement, C-3PO. Tout ira bien, j’en suis sûre…

Tahiri trouva étrange de rassurer le droïd alors qu’elle aurait tant voulu qu’on la sécurise… Une explication sur ce qui se passait n’aurait pas fait de mal non plus. Mais ayant besoin du droïd de protocole, elle avait intérêt à le calmer avant de s’inquiéter d’autre chose. En outre, l’agitation de C-3PO exacerberait sa propre confusion.

— Aide-moi à me lever, veux-tu ?

Tahiri eut d’abord l’impression que la pièce tournait. Mais avec le soutien de son compagnon, elle réussit à garder l’équilibre. Dans le salon, derrière la porte fermée, des éclats de voix parvinrent à ses oreilles.

Elle reconnut celle des parents d’Anakin en pleine négociation avec un Fia opiniâtre.

— Thrum, ouvrez cette porte, bon sang !

— Navré, capitaine Solo, mais ce ne sera pas possible… Nous sommes confrontés à une crise planétaire qui…

— De quel genre ? grogna Yan.

— Je le répète, je ne sais vraiment pas…

— Alors amenez-nous quelqu’un qui le sait, et vite ! Ou j’utiliserai votre crâne comme un bélier… !

— Primat adjoint, intervint Leia, conciliante, avoir perdu le contact avec nos partenaires nous inquiète beaucoup. Il semble que toutes les communications soient brouillées…

— Nous sommes en crise, vous ai-je dit ! s’exaspéra le Fia.

— Ça, on l’avait compris ! explosa Yan. Mais si vous nous laissiez contacter le Faucon, nous pourrions…

— Ce n’est pas possible ! brailla Thrum. Je n’ai pas l’autorisation !

Récupérant son sabre laser, Tahiri se dirigea vers la porte du salon.

— Que se passe-t-il, C-3PO ? souffla-t-elle.

— Il y a eu une secousse terrible. Maîtresse Jaina est revenue nous informer de l’extermination des Yevethas ! Mais au même moment, d’autres vaisseaux ont surgi dans le système… Toutes les communications étaient brouillées, nous ne pouvons plus…

— Des vaisseaux ? Quel genre ? Des Yuuzhan Vong ?

— Je crois, maîtresse. Sans certitude, toutefois…

— C’est eux !

C’était forcément les Yuuzhan Vong. Tahiri le savait comme elle savait son propre nom. Ils étaient déjà venus sur Galantos… La statuette de Yun-Yammka le prouvait. Les Fia avaient sûrement passé un accord avec les Vong : leur protection contre les Yevethas en échange de leurs ressources…

Les Fia avaient dû penser qu’il s’agissait des minerais enfouis sous leur croûte terrestre instable.

Tahiri, elle, savait à quoi s’en tenir.

Les Fia auraient un dur réveil quand ils découvriraient à leurs dépens ce que les Yuuzhan Vong entendaient par « ressources ».

Inspirant à fond pour se calmer, Tahiri poussa la porte et passa dans le salon. Thrum était campé devant la sortie. D’une main, Leia retenait son mari, visiblement hors de lui. Les deux Noghris suivaient la scène en silence.

Au bord de la panique, le primat adjoint se répandit une nouvelle fois en excuses.

— Je suis navré, mais aucun règlement ne prévoit ce cas de figure.

— Nous n’avons rien à faire de vos règlements ! grogna Tahiri. Ouvrez et laissez-nous partir !

Une lueur étrange passa dans les yeux du Fia. Mais l’habitude d’obéir aux règles fut plus forte que la suggestion mentale envoyée par la jeune femme.

Il secoua la tête.

— Je ne peux pas ! Je n’ai pas l’autorisation de… !

Tahiri dégaina son sabre laser et l’activa.

— Voilà la seule autorisation requise ! Ouvrez tout de suite !

— Pourquoi n’y as-tu pas pensé toi-même ? souffla Yan à l’oreille de sa femme.

— Je le ferais si je pouvais, gémit Thrum, mais…

Tahiri haussa les sourcils.

— Mais ?

— Mais il y a les gardes…

Venant du couloir, le crépitement d’un tir de blaster l’interrompit. Son propre blaster au poing, Yan se précipita dehors et enjamba les cadavres de deux soldats. Le premier avait un trou fumant dans le dos, le second dans la poitrine.

Solo se retourna vers Tahiri.

— Comment as-tu fait ça ?

— Mais… Ce n’est pas moi ! bafouilla-t-elle, trop abasourdie par la tournure des événements pour comprendre qu’il plaisantait.

Tahiri désactiva son sabre laser. Puis elle sortit. A part les cadavres et Yan, le couloir était vide. Mais une odeur suspecte attira son attention…

— Il n’y a personne ici, dit Leia en rejoignant son mari. Alors, qui les a abattus ?

Yan haussa les épaules.

— Ils ont pu se tuer eux-mêmes en trébuchant…

— Peu importe, trancha Leia. Nous voilà enfin sortis. Quittons cette planète au plus vite ! (Elle retourna dans le salon pour saisir Thrum par un bras.) Vous, vous venez avec nous !

— Mais… !

Ses grands pieds plats traînant sur le parquet, Thrum cessa vite de protester, conscient que plus personne n’était d’humeur à l’écouter.

Yan prit la tête avec le Fia. Leia et ses gardes du corps noghris le suivirent, Tahiri formant l’arrière-garde. Si elle se ressentait encore de son évanouissement, elle redevenait rapidement elle-même.

Dans l’intercom, une voix invitait la population au calme et recommandait à tout le monde de rester chez soi. La crise serait bientôt terminée.

Apportant un démenti tonitruant à ces assertions, les alarmes redoublèrent d’intensité.

Dans la Force, Tahiri sentit monter par vagues l’hystérie et l’épouvante.

— Leia, chuchota-t-elle, je doute que ce soit un piège… Ils sont aussi surpris que nous.

— C’est vrai. Notre arrivée a également pris les Fia au dépourvu. Mais notre présence pourrait les servir… Je suis sûre que les Yuuzhan Vong accordent encore du prix à la vie d’un Jedi.

Tahiri hocha la tête. Si les Solo avaient été virtuellement prisonniers de leur suite luxueuse, c’était surtout à cause d’elle… Les Fia ne minimisaient en rien l’importance du rôle politique et guerrier joué par ce couple dans la libération de la galaxie, mais pour autant qu’ils le sachent, les Yuuzhan Vong s’intéressaient exclusivement aux Jedi.

Sans Tahiri, les Solo auraient sans doute pu repartir.

A la sortie du complexe diplomatique, comme il fallait s’y attendre, deux soldats montaient la garde.

Yan plaqua le canon de son blaster sur les reins de Thrum.

— Allez, Pieds-Plats, en avant ! Direction la piste d’envol ! Nous sommes vos invités d’honneur, et ce sont de simples gardes, alors tout devrait être facile, pas vrai ?

— Euh… Bien sûr…

Grâce à la Force, Tahiri redonna de l’assurance au Fia. Elle le vit tirer sur son uniforme froissé et puiser « en lui » une détermination nouvelle.

Le petit groupe le suivant, Yan rengaina son blaster. Tahiri garda une main sur la poignée de son sabre laser.

— J’emmène les prisonniers pour interrogatoire ! déclara Thrum.

— Interrogatoire ? répéta un des gardes, surpris par la soudaine agressivité de son supérieur. (Ça ne ressemblait pas au primat adjoint.) Où ça ?

— Section C.

— Pour combien de temps ? demanda l’autre garde.

— Deux heures.

— Et vous les ramènerez en personne ?

— Peu importe ! s’impatienta Thrum. J’ai l’autorisation, voilà tout ce qui compte ! Cessez de mettre mon autorité en question !

Abasourdis par cet éclat de colère – des plus inhabituels –, les gardes leur firent signe d’avancer.

— Ah, ça fait du bien, vous ne pouvez pas savoir ! jubila Thrum en guidant le groupe dans un autre couloir.

Il paraissait sincèrement ravi d’être sorti de ses gonds. Pourtant, ça lui avait coûté. La peau moite, il tremblait de tous ses membres.

Yan lui tapota l’épaule.

— Je suis fier de vous, mon vieux ! Mais vous n’êtes pas au bout de vos peines…

Angoissé par cette menace voilée, Thrum le regarda, sa nervosité reprenant le dessus.

— Co-comment ça ?

— Espérons que personne n’a touché au Faucon. Dans votre intérêt. Sinon, je tordrai vos longs bras pour vous les enrouler autour du cou !

Frémissant, le Fia tourna un regard implorant vers Leia – qui secoua la tête.

Son mari et la diplomatie !

 

Ils atteignirent la piste d’envol sans difficulté. Concentrées sur la menace venue de l’espace, les autorités avaient d’autres soucis que des prisonniers en cavale.

Pourtant, des bruits de pas alertèrent Tahiri. On les avait pris en chasse ! A la sortie du tarmac, une escouade de la sécurité arrivait au pas de course…

En voyant les fugitifs, les gardes ouvrirent le feu sans sommation. Même si leurs blasters étaient réglés sur « paralysie », leur hostilité ne faisait aucun doute. Son sabre laser activé, Tahiri renvoya sans peine les tirs. Trois gardes s’écroulèrent. Le quatrième battit vivement en retraite.

Ce répit suffit aux fuyards.

Un rayon de blaster jaillit, venu d’un édifice, en face… Tahiri neutralisa cette nouvelle menace, gagnant un autre répit à son groupe.

— Par ici ! cria Yan.

Sur la piste précédemment déserte, plusieurs petits vaisseaux s’apprêtaient à décoller. Sous le regard nerveux des équipes de maintenance, les pilotes couraient en tout sens, leurs cris ajoutant à la pagaille. Des rayons laser ricochaient sur des coques blindées, incitant les témoins innocents à plonger à l’abri.

— C’est affreux ! gémit C-3PO en tâchant de ne pas se laisser distancer.

Au milieu de la confusion, Tahiri remarqua, lancé à leur poursuite, un individu en combinaison de vol bleu foncé et porteur d’un masque à oxygène qui dissimulait ses traits. Il suivait de près le groupe occupé à longer les vaisseaux, sans s’inquiéter d’être repéré et capturé…

Quand le Faucon fut en vue, Tahiri resta délibérément en arrière pour intercepter l’inconnu. Quelles que soient ses intentions, il n’était pas question de laisser leurs arrières vulnérables !

Yan déploya la rampe d’accès. Tous s’apprêtèrent à monter à bord du Faucon.

— Tahiri ! cria Leia.

La jeune femme fit la sourde oreille. Trois minutes passeraient avant le décollage. Chaque seconde comptait.

Quand il vit que Tahiri l’attendait, le « poursuivant » ne fit pas mine de vouloir lui échapper. Bien au contraire… Il lui fit signe de le rejoindre derrière la carlingue d’un petit yacht spatial. Elle obéit, comprenant soudain ce qui l’avait attirée vers lui.

— Vous… ! C’est vous qui avez abattu les gardes devant notre porte…

— Un service en vaut bien un autre, non ?

Que voulait-il ? Tahiri plissa le front.

— Vous désirez notre aide ?

— Depuis que les Fia ont passé un accord avec les Brigades de la Paix, je cherche un moyen de quitter cet horrible caillou !

— Vous nous accompagneriez ?

— Pas tout à fait. (L’inconnu tapota la coque du yacht.) Ouvrez le sas. Ensuite, je me débrouillerai.

Recourir à la Force pour aider un type louche à voler un navire ?

— Pourquoi ferais-je ça ?

— Ayez confiance. Je suis un de ceux qui vous ont amenée ici. Ça devrait compter pour quelque chose.

— Eh bien, merci beaucoup…

Campée sur la rampe d’accès, Leia continuait d’appeler.

— Si je survis, ajouta l’homme masqué, je vous expliquerai tout. Mais là, le temps presse !

Partagée entre curiosité et méfiance, Tahiri hésita. Puis, avec la Force, elle contacta le pilote du yacht, une Fia qui procédait hâtivement aux ultimes vérifications… Au point qu’elle avait négligé une phase cruciale de la mise en route des moteurs. Lors de la traversée de l’atmosphère, les répulseurs seraient gravement endommagés. Voilà qui changeait tout… Intervenir s’imposait. Sauver la vie de la Fia serait un point positif.

Grâce à la Force, Tahiri l’incita à sortir du cockpit pour remédier manuellement à une autre omission.

La Fia obéit à la suggestion mentale.

— A vous de jouer, dit la jeune femme à son mystérieux compagnon.

— Merci, Tahiri Veila.

— Quand… ?

— Nous nous recontacterons dès que je serai en orbite !

Tahiri entendit vrombir les moteurs du Faucon. Si Yan l’attendait une seconde de trop, elle n’aurait pas fini d’en entendre parler… Elle s’immergea dans la Force, s’en faisant un bouclier, réactiva son sabre laser, dessina d’élégantes arabesques dans les airs pour dévier les tirs et…

… Fonça vers la rampe d’embarquement.

Gagnée par l’ivresse du combat, elle se réjouit de ses talents face à l’incompétence de ses ennemis.

Je suis un Chevalier Jedi… invincible !

Une main l’empoigna par l’épaule, la tira en haut de la rampe et la propulsa à l’intérieur du vaisseau. Son sabre laser désactivé, elle s’écroula.

Leia contourna son garde du corps pour se pencher vers elle.

— Tahiri, ça va ? Que s’est-il passé ?

— Je devais aider quelqu’un à fuir… (Surprise par la rapidité avec laquelle son euphorie avait cédé la place à l’épuisement, la jeune femme chercha son souffle.) Celui qui a éliminé nos gardes…

— Qui ?

— Je ne suis pas sûre… Il m’a dit qu’il nous contacterait une fois en orbite.

— Si nous y arrivons… Je retourne dans le cockpit. Ça ira, tu es sûre ?

— Absolument.

Tahiri ne mentait pas. Elle venait de contribuer au sauvetage des Solo… De quoi être fière…

— Je vais bien, maîtresse Leia, annonça C-3PO quand la princesse passa devant lui. Au cas où vous vous poseriez la question…

Les Noghris emboîtèrent le pas à Leia, laissant Tahiri seule avec le droïd de protocole. Elle prit appui sur lui pour se relever… et vacilla quand les boucliers encaissèrent un premier tir.

— Ces combats ne finiront donc jamais ! s’écria C-3PO.

J’espère que non…, pensa Tahiri.

Elle garda cette réflexion pour elle, trop effrayée par ses implications.

 

Jaina vira aussi serré que possible. Son aile X endommagée par le suicide du Yevetha, conservait assez de maniabilité face au chasseur vong qui l’avait dans son collimateur… Et Jaina se fiait à ses instincts pour deviner à quel instant les basals dovin seraient saturés. D’une simple flexion de poignet, elle lança la torpille à photons qui pulvériserait son adversaire.

Luttant contre l’épuisement, elle prit pour cible un autre ennemi qui talonnait de trop près Jumeau Onze. Une dizaine de tirs suffirent à le dissuader. Mais la torpille qui suivit le rata. Abandonnant avec joie la poursuite quand son unité R2 l’avertit que ses stabilisateurs étaient de nouveau en surchauffe, Jaina en profita pour s’éloigner et observer la bataille de loin.

A un contre trois, l’Escadron Soleils Jumeaux conservait néanmoins l’avantage de l’effet de surprise. Les Yuuzhan Vong ne s’étaient sans doute attendus à aucune résistance dans ce système… L’Alliance Galactique et les pilotes chiss avaient rapidement surmonté leur surprise, intégrant à leurs paramètres la présence imprévue d’alliés.

Les pilotes ennemis n’étaient pas entraînés à réfléchir par eux-mêmes. Sans être des proies faciles, les deux grands navires yuuzhan vong circulaires n’étaient pas non plus conçus pour la guerre… Leur coque en corail yorik était très résistante, et leurs cinq longs tentacules zébraient l’espace avec une impressionnante vivacité dès que quelque chose arrivait à portée… Chacun était muni d’une gueule avide de gober les vaisseaux trop téméraires.

Si Jaina n’avait jamais rien vu de tel, les tentacules lui rappelèrent une description de son père, frappé par ce qu’il avait vu sur Ord Mantell. Droma – le Ryn qui lui avait brièvement servi de copilote après le décès de Chewie –, et lui avaient presque été capturés par un de ces tentacules géants.

— Des vaisseaux d’esclaves !

— Vides ou pleins ? demanda Todra Mayn, à bord du Sélonia.

La frégate venait de quitter l’orbite pour utiliser sa puissance de feu contre les coraux skippers.

— Ils se dirigent vers Galantos, répondit Jag en lançant sa griffe dans un tonneau. Donc, vides, je dirais. Vous n’enverriez pas un droïd domestique nettoyer votre maison avec un réceptacle à ordures déjà plein, pas vrai ?

En effet… Sur Galantos, les Fia n’auraient aucune défense à opposer aux Yuuzhan Vong. Leur force planétaire ? Cinq misérables escadrons d’ailes Y obsolètes, dont pas un n’avait réussi à atteindre l’espace… Sans l’Escadron Soleils Jumeaux et sans le Sélonia, les agglomérations majeures auraient déjà été sous le feu ennemi.

Cette ligne défensive éliminée, la population serait à la merci des esclavagistes.

— Combien de victimes peuvent s’entasser dans un de ces monstres, à votre avis ? demanda Jumeau Trois en se lançant aux trousses du vaisseau ennemi le plus proche pour arroser ses tentacules de rayons laser.

— Des centaines de milliers, sans doute…, répondit Mayn, sombre.

— Une armée levée à peu de frais ! dit Jaina, révoltée. Pas étonnant que les Yevethas aient préféré mourir jusqu’au dernier !

Cappie bipa pour l’informer que ses stabilisateurs étaient de nouveau opérationnels. Baissant d’un cran ses compensateurs d’inertie, Jaina entreprit aussitôt de rejoindre Trois, qui venait de couper un des tentacules. Il tentait d’en sectionner un deuxième en évitant les gueules obscènes des autres.

Autant vouloir échapper à trois bâtons vong déchaînés !

Jaina se concentra. Le mastodonte comptait avant tout sur son escorte pour le défendre. Il n’était pas conçu pour l’attaque. Equipé de basals dovin pour absorber les tirs ennemis – et sans doute aussi pour le maintenir en lévitation le temps qu’il ingère les populations des villes –, il retournait à la base une fois sa sinistre collecte terminée.

Une solution biologique écœurante au problème logistique des Yuuzhan Vong… En manque de guerriers, il leur fallait bien les remplacer. Qui aurait pu imaginer qu’ils se préparaient depuis si longtemps à des asservissements massifs ? Pourtant, à quoi s’attendre d’autre ? C’était le genre de sort que Tsavong Lah aurait réservé avec joie aux infidèles. Et diviser pour mieux conquérir avait toujours été sa devise.

Qu’il ne soit plus là pour voir le résultat de ses plans était une maigre consolation.

La fréquence subspatiale bipa.

— Quelqu’un aimerait avoir des renforts ?

— Papa ? (Trop fatiguée pour se concentrer sur deux choses en même temps, Jaina préféra s’écarter des tentacules.) C’est bien toi ?

— Qui d’autre, ma chérie ? lança Yan Solo avec sa gouaille inimitable. Tu m’as laissé de quoi m’amuser un peu, j’espère ?

Soulagée, Jaina repéra la silhouette familière du Faucon.

— Ravie que vous vous en soyez bien tirés ! Comment avez-vous fait ?

— Nous avons eu de l’aide, répondit Yan. Tiens bon, ma fille. Les renforts sont en chemin.

Un balayage rapide des détecteurs confirma à Jaina l’absence des forces défensives de Galantos. Sur la planète, elle repéra des décollages isolés, dans les villes importantes. Des initiatives privées, sans doute. Les personnages les plus riches et les plus prestigieux tentaient de fuir.

Un seul vaisseau ne s’arracha pas à l’orbite pour rallier le point de saut hyperspatial le plus proche… Un yacht corellien qui semblait attendre quelque chose…

Le Faucon vira soudain de bord pour l’intercepter. Ensemble, ils disparurent de l’autre côté de la planète.

Etrange…, pensa Jaina.

Les coraux skippers se regroupant, Jumeau Trois dut renoncer à couper un autre tentacule.

Trois skips déterminés s’en prirent à Jaina, qui vola en zigzags pour les semer.

Elle eut beau faire, ses adversaires ne renoncèrent pas. Bientôt, ses stabilisateurs furent de nouveau en surchauffe.

Jaina lutta contre la colère et la frustration. Etre épuisée n’était pas une excuse pour s’abandonner au Côté Obscur.

Son unité R2 couina quand deux salves de plasma diminuèrent dangereusement la puissance des boucliers.

Soudain, des tirs de turbolaser dispersèrent les trois poursuivants…

— Merci ! lança Jaina. Je te dois une fière chandelle !

— Ne l’oublie pas, Brindilles ! répondit Jag.

Jaina fut si soulagée d’entendre sa voix qu’elle oublia tout le reste.

— Laisse-moi te poser une question… Si tu étais à la place des Fia qui ont conclu un accord avec les Yuuzhan Vong, et que nous venions combattre tes alliés, quel camp soutiendrais-tu ?

— Je l’ignore, Jag… Pourquoi ?

Le Chiss marqua une pause avant de répondre.

— Consulte ton écran tactique…

Des chasseurs décollaient de Galantos.

— De quel côté qu’ils soient, conclut Jag, les voilà…

 

— Les voilà !

Gilad Pellaeon entendit ces paroles une fraction de seconde avant de sentir la vibration des moteurs à ions du Faiseur de Veuves. Assez fortes pour se communiquer au fluide de sa cuve bacta, malgré les amortisseurs d’inertie, elles lui donnèrent l’impression qu’on secouait l’univers entier. Il posa une main contre la paroi transparente pour se stabiliser, réfléchissant aux bons côtés de sa situation. D’accord, il était coincé dans une cuve bacta sur une vieille frégate. Et ce pendant la bataille la plus importante de sa vie. Mais il n’était quand même pas trop mal loti : son esprit restait clair. C’était le principal.

— La flotte ennemie est concentrée entre les secteurs trois et huit, dit la voix de l’officier de quart du Faiseur de Veuves.

Il n’avait pas besoin du « commentaire », mais le laissait quand même activé quand il n’utilisait pas le comlink intégré à son masque respiratoire, pour s’assurer qu’il ne ratait rien des événements. Le viseur modifié du masque lui fournissait des images en trois dimensions de ce qui se passait dans le système. Les détecteurs fixés à ses mains et à ses poignets lui permettaient de modifier l’angle de vue à volonté.

— Changement de direction pour positionnement optimal.

Le Faiseur de Veuves pivota pour se placer entre la planète Borosk et la flotte yuuzhan vong en approche. Borosk était un petit monde insignifiant, à part son rôle dans la défense de l’Empire. A titre symbolique, la planète avait été lourdement armée pour éviter qu’elle soit reprise par la Nouvelle République, qui avait à son tour armé ses mondes les plus proches, au cas où Borosk aurait représenté le début d’une nouvelle invasion. Elle était donc bourrée à craquer de turbolasers planétaires semi-automatiques, de canons à ions et de boucliers, et entourée par des champs de mines à ions. Bref, elle était mieux défendue que l’avait été Bastion.

La Flotte Impériale, maintenant rassemblée autour de Borosk, avait à peine eu le temps de s’organiser en nouveaux corps et en escadrons. A Bastion, les pertes avaient été élevées, mais la discipline était toujours solide au sein de l’Armée Impériale. Dès que Flennic avait commencé à donner des ordres au nom de Pellaeon, la hiérarchie avait été rapidement rétablie. Il restait assez de destroyers pour consolider les défenses autour de quatre groupes de bataille principaux, désignés par le nom de leur vaisseau de commandement : le Vaillant, que Pellaeon n’avait pas permis à Flennic de garder, était en tête des défenses ; l'Inflexible et le Protecteur défendaient les flancs ; le Droit de Gouverner était chargé de l’arrière-garde. Cinq autres destroyers s’occupaient de la protection de Borosk. Le reste de la flotte était toujours autour de Yaga Minor avec Flennic, au cas où les Vong attaqueraient. Le Chimaera y était aussi, en réparation, après être revenu péniblement, son hyperdrive gravement endommagée, mais encore fonctionnelle.

Malgré l’absence de son vaisseau-amiral, Pellaeon sentit l’excitation de la bataille s’emparer de lui alors qu’il regardait les groupes se déployer. Cet instant était le plus merveilleux et le plus terrifiant de tous. Tout était en place, les vaisseaux au sommet de leurs performances et les pilotes sur le qui-vive. Le Grand Amiral pouvait souvent prédire l’issue du combat avant qu’un seul coup de feu ait été tiré, simplement en étudiant la disposition des forces. Parfois, il aurait aimé que les victoires puissent se remporter aussi aisément, sans perdre de vie ou de vaisseaux…

Mais pas cette fois. Dans ce cas, il voulait se battre et écraser l’ennemi. Et il savait, en observant l’arrivée des forces adverses, qu’elles avaient les mêmes intentions. Les Yuuzhan Vong ne seraient jamais d’accord avec le souhait de Gilad Pellaeon : une victoire sans pertes. Dans leur système de croyance, le sacrifice, glorieux ou pas, était fondamental. Essayer de les imaginer sans cette caractéristique revenait à se représenter Coruscant dépourvue de bâtiments.

Le Vaillant envoya quatre escadrons de chasseurs Tie affronter les vaisseaux de tête alors qu’ils émergeaient de leur saut hyperspatial. Pellaeon compta deux vaisseaux de guerre à la tête de cette formation-là : des ovoïdes géants aussi longs qu’un destroyer stellaire, avec de grands tentacules près de la proue, d’où sortaient des coraux skippers, aussi nombreux que des grains de pollen. Trois analogues de transporteurs les escortaient, eux aussi hérissés de coraux skippers. Ils étaient accompagnés de vaisseaux de combat prêts à arroser de jets de plasma tout ce qui approcherait un peu trop.

Pellaeon compta également cinq croiseurs et frégates de réserve.

Des dizaines de chasseurs vong décollèrent pour intercepter les forces impériales. Les escadrons de Tie, conduits par Luke Skywalker dans son aile X-XJ3, avaient seulement des turbolasers. Ils attaquèrent donc par groupes de deux ou trois pour que leurs rayons surchargent les basals dovin des chasseurs ennemis. Grâce à la technique de repérage des yammosks, ils pouvaient viser en priorité les vaisseaux de commande.

S’attendant visiblement à une résistance moins âpre, les Yuuzhan Vong s’éparpillèrent. Mais les coordinateurs de guerre, dans les vaisseaux principaux, ne tardèrent pas à réévaluer la situation et à augmenter la pression.

Des explosions et des salves de magma tracèrent des lignes rouges dans le ciel.

— Battez en retraite, Skywalker, ordonna Pellaeon. Vous avez démontré ce que vous vouliez démontrer !

— Je reste un peu plus longtemps, Gilad.

— Sois prudent, Luke, dit Mara, à bord de l'Ombre de Jade, où Danni Quee et elle attendaient près du Protecteur.

La guérisseuse était sur le Faiseur de Veuves avec la Barabel et le Grand Amiral, un vieil homme à demi mort censé diriger les opérations. Si la situation n’avait pas été si grave, Pellaeon aurait peut-être trouvé tout ça très amusant.

— Comment se débrouille Jacen ? demanda Luke.

— Il s’en sort bien, répondit Mara.

Son ton sinistre poussa Pellaeon à jeter un coup d’œil.

Jacen Solo, le jeune Jedi qui était passé si près de vaincre le Moff Flennic, était à bord du Droit de Gouverner. Depuis les heures écoulées après le regroupement à Yaga Minor, des milliers de droïds-souris MSE-6 avaient été modifiés pour intégrer l’algorithme de détection des Yuuzhan Vong développé par l’Alliance Galactique, et envoyés en mission dans toute la flotte. Ils avaient détecté trois espions. En analysant les communications que ces agents avaient reçues, Jacen avait repéré plus d’une dizaine de sympathisants. Aucun n’avait été démasqué, mais tous étaient en poste sur le Droit de Gouverner et convoqués à une « réunion » – avec l’intention de mettre fin à leurs activités.

Jacen avait organisé le faux briefing dans une salle de conférences qui semblait parfaitement ordinaire. En réalité, elle avait été équipée des dispositifs de sécurité les plus sophistiqués de l’Empire. Par leur intermédiaire, Pellaeon avait pu suivre la réunion sur les moniteurs installés dans ses quartiers. Une équipe de commandos se tenait prête à voler au secours de Jacen, si nécessaire.

Avoir concentré tant d’ennemis en un seul endroit était risqué, mais Jacen estimait que c’était moins dangereux que des traîtres éparpillés sur plusieurs vaisseaux. Ainsi, il aurait été plus difficile de coordonner leur capture. Les réunir en un seul endroit permettrait de mieux contrôler la situation si quelque chose tournait mal.

Les traîtres arrivèrent un par un, à des intervalles programmés de deux minutes, pour assurer qu’ils ne se rencontreraient pas dans le couloir et ne devineraient pas le piège dans lequel ils tombaient.

Jacen attendait à l’entrée de la salle.

Les Yuuzhan Vong déguisés furent les derniers à entrer. Le premier, une « femme », arriva cinq bonnes minutes après le dernier traître. Elle regarda les gens réunis autour de la grande table. Son expression était si humaine que Pellaeon eut du mal à croire que ce n’était pas son vrai visage qu’il voyait, mais un déguisement biotechnologique. Elle semblait être une humaine ordinaire, grande et affublée d’un sévère chignon de cheveux gris.

Pourtant, quelque chose, dans la façon dont elle regarda les traîtres réunis autour de la table, fit comprendre à Pellaeon qu’elle était bien plus que ce que son apparence suggérait.

— Salutations, Fiula Blay, dit Jacen, son attitude détendue impliquant un certain manque de respect. Prenez place, en attendant l’arrivée des autres.

La femme le foudroya du regard, mais elle obéit. Pellaeon remarqua de la peur dans les yeux de certains espions, quand ils reconnurent le chef de leur cellule.

— Que se passe-t-il ? demanda l’un d’eux. Vous n’avez pas le droit de nous retenir ici !

— Vous retenir ? demanda Jacen. Vous vous croyez prisonniers ! Pourquoi imaginer ça ?

L’homme déglutit mais n’ajouta rien.

— Vous avez été convoqués pour que nous puissions discuter, dit Jacen. Voilà tout !

— Parfait, fit un autre homme, sanglé dans l’uniforme d’un coordinateur des Renseignements. Alors, discutons !

— Quand tout le monde sera arrivé, dit Jacen.

— Nous n’avons pas de temps à perdre avec tout ça. Au cas où vous n’auriez pas remarqué, il y a la guerre ! Je m’en vais !

Jacen se leva et avança d’un pas.

— C’est pour ça que nous sommes réunis.

L’homme se rassit en grognant.

— Vous pourriez au moins nous dire qui vous êtes, protesta une autre femme – un officier de la sécurité.

— Vous ne devinez pas ? demanda Jacen.

La porte s’ouvrit à ce moment. Le deuxième Yuuzhan Vong entra, sous l’apparence d’un caporal corpulent détaché de l'Inflexible. Il hésita en voyant le groupe, mais, comme Fiula Blay, il ne laissa rien paraître de ses sentiments.

— Qu’est-ce que ça signifie ? demanda-t-il. Je devrais être à mon poste, là où on a besoin de moi…

— Tout s’expliquera bientôt, dit Jacen. Asseyez-vous.

La tension monta pendant que tout le monde attendait, mal à l’aise. Personne ne parlait, mais le langage corporel des traîtres en disait long. Pellaeon estima que huit au moins des onze sympathisants avaient compris ce qui se passait. Les trois autres s’en doutaient. Tous étaient nerveux. Seuls les Yuuzhan Vong déguisés ne trahissaient aucune angoisse.

Finalement, la porte s’ouvrit et le troisième Yuuzhan Vong entra. Torvin Xyn, un type immense aux épaules aussi larges que celles d’un Wookie, comprit de quoi il retournait dès qu’il vit Jacen.

— Jeedai ! cracha-t-il. Je sens ton odeur !

La peau de Torvin Xyn se rétracta, révélant le visage couturé de cicatrices d’un Yuuzhan Vong. La peau de sa poitrine et de ses bras ondula puis se rétracta, et un bâton apparut dans sa main.

Jacen recula d’un pas vers le podium.

— Les armes sont inutiles, dit-il. Il n’est pas nécessaire de blesser quelqu’un.

Mais le Yuuzhan Vong se jeta sur lui avec un hurlement sauvage. Le crépitement du sabre laser de Jacen presque inaudible, il le leva devant lui pour parer le coup de bâton. Puis il pivota sur la jambe droite et esquiva la charge du guerrier. Le Yuuzhan Vong lança son arme vers le bas, pour sectionner les jambes du Jedi, mais celui-ci bondit et décocha un coup de pied pour déséquilibrer son adversaire.

Le combat se compliqua quand les deux autres espions abandonnèrent leur déguisement pour se jeter sur Jacen.

Comprenant qu’ils étaient démasqués, les sympathisants humains voulurent fuir.

La porte s’ouvrit et l’escadron de commandos entra, blasters pointés sur les Yuuzhan Vong. Des droïds de sécurité suivaient. Une salve élimina deux des espions. Sans la protection de leurs armures en crabe vonduun, ils moururent rapidement. Le dernier essaya alors de frapper Jacen à la tête. Le jeune Jedi fut trop rapide pour lui, et lui traversa le torse d’un coup de sabre laser.

Jacen recula loin du cadavre fumant de « Torvin Xyn » et s’essuya le front sur sa manche.

Il se tourna vers les traîtres, terrifiés, qui balbutiaient des excuses ou imploraient la clémence.

— Inutile de protester de votre innocence, dit Jacen.

Quand le bruit se calma, il désactiva son sabre laser et le remit à sa ceinture. Son expression surprit Pellaeon. Il semblait troublé par la bataille qu’il venait de livrer – mais en même temps très sûr de lui.

— Vos quartiers ont été fouillés. Votre culpabilité ne fait aucun doute. La seule question est de savoir s’il y a d’autres félons comme vous que nous n’avons pas encore découverts.

Le coordinateur des Renseignements avança d’un pas, les yeux glacés.

— Racaille Jedi, dit-il en crachant aux pieds de Jacen. Vous avez seulement retardé l’inévitable.

— Espérons que ce retard soit permanent, dit Jacen. Quelqu’un a autre chose à dire ?

Personne ne répondit, mais Pellaeon remarqua deux personnes qui auraient peut-être parlé, si elles avaient été dans des circonstances plus propices.

Sur un geste de Jacen, les commandos emmenèrent les prisonniers pour les interroger.

Quand tout le monde fut parti, le jeune Jedi se laissa tomber sur une chaise. Il tira sur sa manche et parla dans un comlink de poignet.

— Mission accomplie, fit-il d’une voix fatiguée.

— Bien joué, Jacen, dit Mara Skywalker, sur l'Ombre de Jade. Ça va ?

Pellaeon regarda le jeune Solo examiner le dos de sa main.

— Une simple égratignure, fit-il. (Il regarda les cadavres des Yuuzhan Vong.) Ce n’était pas nécessaire. Je leur ai donné une chance de se rendre.

— Croyais-tu qu’ils la saisiraient ?

— On ne sait jamais… S’ils continuent à envoyer leurs guerriers les plus agressifs se faire tuer, leur patrimoine génétique deviendra moins violent, à la longue, et nous aurons le plaisir de rencontrer des Yuuzhan Vong plus calmes.

Pellaeon n’avait jamais eu l’occasion de rire dans une cuve bacta, mais il ne put y résister.

— La victoire grâce à la sélection naturelle ? C’est une idée intéressante, Solo !

— Je demande la permission de battre en retraite derrière les champs de mines, Grand Amiral, intervint la capitaine Yage.

Pellaeon avait gardé un œil sur la bataille pendant qu’il observait Jacen et les espions Yuuzhan Vong. La flotte ennemie avait attaqué sur les quatre fronts, et le combat était le plus âpre à l’endroit où les Vong avaient émergé dans le système.

— Permission accordée, dit-il.

Tandis que la frégate gagnait une orbite plus basse, Pellaeon passa sur une fréquence générale de commandement.

— Commencez à battre en retraite, dit-il à tous les officiers. Les groupes du Droit et du Protecteur en premier, puis ceux du Vaillant et de l'Inflexible. Contrôle orbital, activez les mines dès que le gros des forces ennemies sera à portée. Contrôle au sol, assurez-vous que les systèmes de visée se concentrent sur les plus petits vaisseaux. Les mines et les boucliers devraient tenir les plus gros en respect pour que nous nous en occupions.

Des réponses lui parvinrent sur la fréquence. Aucun espion ne restant parmi les troupes impériales, Pellaeon était sûr que la retraite de sa flotte paraîtrait dictée par la panique pour le maître de guerre vong à l’esprit rigide. Il était sûr aussi que les turbolasers et les canons qui attendaient les Yuuzhan Vong à la surface les convaincraient de leur erreur…

A ce moment-là, la vraie bataille commencerait.

 

Saba siffla quand un vaisseau d’esclaves, à la limite de l’écran, émergea de l’atmosphère de la planète. Sa queue frappa violemment le sol à la vue de ce vaisseau, qui lui rappelait la destruction de son propre monde.

Yage leva la tête.

— Qu’y a-t-il ?

La Barabel désigna l’écran. Le vaisseau d’esclaves, sorti de l’hyperespace à l’arrière du front, était peu protégé. Ses tentacules griffaient l’espace comme des limaces cherchant de la nourriture.

Il est plein, pensa Saba en voyant le navire gonflé comme une outre.

— Ils sont certains du succès, dit-elle, une fureur terrible lui déchirant les entrailles.

— Ils ont peut-être de bonnes raisons d’être sûrs d’eux, fit Yage, sinistre.

Elle se détourna un moment et lança des instructions à l’équipage du Faiseur de Veuves. La passerelle du vaisseau était un enfer pour les oreilles sensibles de Saba.

— Celle-ci les perçoit, dit-elle, fermant les yeux et utilisant la Force.

Au-delà des signaux vitaux proches, sur la planète Borosk et dans la flotte de l’Empire, et au-delà du gouffre de vide des Yuuzhan Vong, elle capta une grande douleur dans la Force – l’emprisonnement, la claustrophobie, l’obscurité… Tout ce qu’elle n’avait pas perçu quand son propre peuple avait été fait prisonnier, à cause de la fureur qu’elle éprouvait. Ces sentiments étaient maintenant trop intenses pour qu’elle les ignore – au point que la tête lui tournait.

Mais elle ne fuirait pas. Elle avait besoin de partager cette douleur, comme si cela allégeait un peu le fardeau de sa culpabilité.

Vis dans le présent…

Les passagers du vaisseau d’esclaves y avaient été entassés comme des animaux promis à l’abattoir. Beaucoup d’entre eux mourraient avant d’atteindre leur destination. Aussi effrayante que soit cette idée pour Saba, du point de vue des Yuuzhan Vong, c’était logique. Pour eux, ces êtres n’étaient guère plus que des animaux. Il importait peu qu’une partie de leur bétail périsse pendant le trajet, tant qu’un pourcentage suffisant survivait.

Mais Saba Sebatyne, une Jedi, ne pouvait pas laisser une telle horreur arriver. Elle devait intervenir, au nom de tous les Barabels qu’elle avait tués.

Quelle meilleure façon de leur rendre hommage ?

— Celle-ci aimerait parler à l'Ombre de Jade, dit-elle à Yage.

La capitaine fronça les sourcils, mais fit le nécessaire avec son officier des communications.

— Par là, dit-elle, montrant une console vide.

Consciente que les yeux de l’équipage étaient rivés sur elle, car elle était probablement la non-humaine la plus remarquable qu’ils aient vue depuis longtemps, Saba s’installa.

— Mara, j’ai un plan.

— Je t’écoute. Ce que tu as en tête est sans doute plus intéressant que de contempler les rétrofusées de Luke.

— Tu vois le vaisseau d’esclaves ? C’est le butin qui les intéresse. S’ils le perdent, la bataille sera sans signification pour eux.

— Tu voudrais que nous le détruisions ? Saba, nous ne pouvons pas faire ça ! Il est plein de…

— Non, pas le détruire ! Libérer les prisonniers.

Il y eut un long silence.

— Un moment, dit Mara. Je te connecte au centre de commandement.

Sur l’écran, Saba vit l’Ombre de Jade se dégager de la bataille, suivi de près par l’aile X de maître Skywalker.

Le holoprojecteur fit apparaître les visages de Mara et du Grand Amiral Pellaeon.

Saba se déplaça pour laisser Yage s’installer.

— Ai-je bien entendu ? demanda Pellaeon.

— Saba veut libérer les passagers du vaisseau d’esclaves, dit Mara.

— Et vous, qu’en pensez-vous ? demanda le Grand Amiral.

— Que c’est un objectif noble…

— Ce qui ne signifie pas qu’il est réalisable.

— Exact, mais Saba a raison sur un point : cela sauverait beaucoup de vies.

— Comment s’y prendre ? Le vaisseau est à l’arrière de la flotte yuuzhan vong.

— Précisément, dit Saba. Leur attention est dirigée vers l’avant, sur l’attaque. L’arrière sera vulnérable.

— Il nous faudrait quand même dépasser leurs interdicteurs, objecta Mara. Et l’arrière ne restera pas longtemps sans protection. Une équipe d’assaut serait rapidement encerclée.

— Et ils n’amèneront pas le vaisseau d’esclaves vers l’avant tant qu’ils ne seront pas sûrs que nous avons perdu, dit Luke dans l’unité com.

— Pourquoi ne pas attendre ? proposa Pellaeon. Nous sommes en train de battre en retraite, après tout.

— Trop risqué, fit Yage. Il faudrait que nous leur abandonnions Borosk pour qu’ils nous croient, et rien ne garantit que nous la récupérerions.

Pellaeon hocha la tête. Saba eut le sentiment qu’il prenait la manœuvre comme un exercice théorique, même s’il aurait aimé qu’elle soit réalisable.

— Nous avons besoin d’un sacrifice, dit Saba. Et nous devons le faire directement sur la cible.

— Je ne comprends pas, dit Yage en se tournant pour regarder la Barabel penchée au-dessus d’elle.

A cette distance, l’odeur de l’humaine était forte mais pas gênante.

— Ils devineront que nous avons identifié le vaisseau d’esclaves. C’est peut-être pour ça qu’ils l’ont montré si tôt dans la bataille. Ils s’en servent pour nous mettre en colère et lancer un défi à notre honneur.

A cette idée, les griffes de Saba sortirent de leurs gaines. Gênée par ce mouvement réflexe, elle les cacha dans son dos.

— Puisqu’ils nous défient, nous les attaquerons.

— S’ils nous provoquent, ça signifie qu’ils s’attendent à ce que nous répliquions.

— Oui. Et nous perdrons.

— Je crois commencer à comprendre, dit Yage. Nous envoyons un navire attaquer le vaisseau d’esclaves. Il se fera démolir, mais il aura servi de diversion pour une autre attaque.

— Non, dit Saba. Le vaisseau est l’attaque. S’il n’est pas entièrement détruit, son équipage sera capturé. Les Yuuzhan Vong ne gaspilleront pas des esclaves potentiels.

— Suggérez-vous ce que je pense ? demanda Pellaeon. Pas un « sacrifice », mais un « leurre » ?

Saba hocha la tête avec enthousiasme.

— A l’intérieur, je serai bien placée pour m’emparer du vaisseau. Ce n’est pas un navire de guerre, mais un cargo modifié. Au pire, le mettre hors service permettra de faire débarquer le « chargement » plus facilement.

— C’est le problème suivant, dit Yage. Où faire débarquer les prisonniers ?

— Une fois que Saba aura tué le cerveau du vaisseau, il suffira d’emmener les prisonniers dans un endroit sûr.

— Je pense à une astuce utilisée sur Barab I, dit Saba. La meilleure façon d’empoisonner un broyeur d’os est de lui donner à manger un hka’ka vivant qui a absorbé des déchets nocifs. Le broyeur d’os ne sent pas le goût du poison jusqu’à ce qu’il ait fini son repas. A ce moment, il est trop tard pour lui. Ce n’est pas une manière très honorable de chasser, mais c’est mieux que d’être mort.

— Si vous réussissez, dit le Grand Amiral, vous aurez à tout jamais la gratitude de l’Empire. Abandonner les malheureux capturés par les Vong a été une des décisions les plus difficiles de ma vie. C’est un fardeau dont je me débarrasserais volontiers.

— Luke ?

— Je suppose que tu voudras t’en mêler, Mara, dit maître Skywalker.

— L’Ombre de Jade ferait un excellent hka’ka empoisonné, dit-elle. Et son rayon tracteur pourrait nous être des plus utiles.

— J’en suis aussi, dit Danni, sa tête apparaissant à côté de celle de Mara.

— Tu es sûre ?

— Saba et moi, nous avons déjà travaillé ensemble. Ce sera une grande occasion de voir de près la biotechnologie des Yuuzhan Vong.

— De trop près, à mon goût, marmonna Yage. Mais c’est à vous de choisir.

— Si nous devons faire ça, dit Pellaeon, allons-y ! Chaque minute de retard me coûte des pilotes. Nous avons beaucoup de choses à mettre en place, et très peu de temps. Oui, Saba, vous disiez ?

— Hka’ka, répéta Saba.

— Oui, dit Pellaeon. Les Jedi sont peut-être cinglés, mais ils sauvent la vie des Impériaux. Je ne veux pas que ça tourne mal. Compris ?

Se souvenant du sort de la plus grande partie des membres de son peuple, Saba hocha solennellement la tête.

 

Nom Anor fut réveillé par des hurlements. Il comprit aussitôt qu’il ne serait jamais en sécurité, même au plus profond de Yuuzhan’tar.

Les années passées à poignarder des gens dans le dos – parfois littéralement – pour arriver au sommet lui avaient appris à dormir d’un œil – là aussi, littéralement : l’orbite qui contenait le plaerin bol était toujours à demi ouverte. Et il ne quittait jamais le coufee qu’il s’était fabriqué avec un fragment de corail. Ces précautions lui avaient souvent sauvé la mise, avant son exil. Quiconque essaierait de l’attaquer dans son sommeil serait mort en un éclair.

Ce réflexe avait presque coûté la vie à une de ses compagnes d’infortune, Niiriit Esh. Elle lui avait rendu visite au milieu de la nuit, sans intentions hostiles, loin de là. Il ne s’y était pas attendu, car il n’avait rien fait pour s’attirer ses faveurs. Il avait suspendu son attaque au coufee juste à temps…

Cette fois, il sut immédiatement que les Honteux et lui étaient attaqués.

Nom Anor comprit que le hurlement d’agonie était celui de la sentinelle, Yus Sh’roth. Dommage… L’ancien modeleur était un membre important de cette communauté de Honteux. Mais Nom Anor n’avait pas le temps de se lamenter : le cri de Yus Sh’roth pouvait permettre la survie des autres, en leur donnant le temps de se préparer à affronter l’envahisseur – quel qu’il soit.

C’était peut-être un rôdeur solitaire surpris par la sentinelle, ou une autre bande de Honteux essayant de voler un peu de nourriture…

Non. Le sifflement des bâtons amphi indiquait que les attaquants étaient des guerriers. Le camp était trop bien caché pour avoir été découvert par hasard. Ça signifiait que ces guerriers avaient mission d’exterminer ses habitants.

Cette certitude suffit à pousser Nom Anor à l’action. Il ramassa rapidement ses affaires et quitta son humble demeure, sachant qu’il n’y reviendrait jamais. Dehors, il fut presque renversé par quelqu’un qui fuyait dans le long couloir en spirale qui longeait le puits. Probablement I’pan, se dit-il, étant donné l’habileté du petit voleur à se tirer des situations les plus difficiles.

Nom Anor guetta des bruits de poursuite. Il n’y en avait pas, mais il entendit des martèlements de bottes et les cris des Honteux assassinés.

Pas moi, pensa Nom Anor.

Il se tourna pour suivre I’pan dans les profondeurs du puits où le chuk’a hibernait. Il souhaita un passage rapide dans l’au-delà à ses anciens compagnons – en supposant qu’il y en ait un. Les Honteux l’avaient tiré d’un mauvais pas quand il avait fui la colère de Shimrra. Sans eux, il n’aurait pas survécu bien longtemps dans cet environnement. Il aurait fini par périr sous les griffes d’un prédateur, ou simplement après avoir bu de l’eau empoisonnée.

Il leur devait la vie, et, grâce à leurs récits sur les Jedi, probablement son avenir.

Il hésita.

Mais quel avenir aurait-il s’il se faisait tuer par une escouade de guerriers ? Il leur devait beaucoup, certes, mais pas au point de se sacrifier.

Il décrocha un lambent du mur et prit la direction qu’avait empruntée I’pan.

Il entendit un cri aigu, derrière lui, et sut qu’il avait été poussé par Niiriit Esh.

Il hésita encore, son sens – très nouveau – de la responsabilité le tourmentant. Niiriit était une Honteuse, certes, mais aussi une guerrière. Elle n’aurait pas fui la bataille, luttant jusqu’à la mort pour l’honneur, pour Yun-Yammka, pour…

Non, se dit-il. Il pensait toujours à elle comme à une Yuuzhan Vong. Mais elle n’était plus une guerrière, simplement une Honteuse. Elle se serait sacrifiée pour ses amis, comme les Jedi, pas pour Yun-Yammka, le Tueur.

Il continua dans le couloir, sentant la soif de sang des guerriers lancés à sa poursuite.

 

Un vieux cuirassé de classe Katana quitta l’orbite basse de Borosk, où il était discrètement caché depuis le début de la bataille.

Saba connaissait bien ce type de vaisseau, un survivant de la Flotte Noire que l’amiral Thrawn avait utilisée si efficacement contre la Nouvelle République. Equipé d’unités informatiques centralisées, il fonctionnait avec un équipage minimal. A cause de son hyperpropulsion poussive et de ses boucliers miteux, il était dépassé depuis longtemps.

Saba fut étonnée d’en voir un encore en fonction. Elle n’était pas la seule.

— Ce tas de ferraille ne nous emmènera pas bien loin, fit Mara.

— C’est exactement ce que vous êtes censée penser, dit Pellaeon. Et l’ennemi aussi…

A ce moment-là, Saba avait changé de vaisseau et revêtu la combinaison légèrement renforcée devenue depuis Myrkr l’uniforme standard des Jedi pour le combat rapproché contre les Yuuzhan Vong. Danni Quee en avait aussi mis une. Elle attendait nerveusement à côté de Saba, pendant qu’on leur expliquait comment le vaisseau les emmènerait en position. Les griffes de la Barabel brûlaient de frapper ceux qui lui avaient enlevé son peuple.

— Je le gardais pour une mission suicide, expliqua Pellaeon. Il est conçu pour mourir deux fois. La première fois, ce que voit l’ennemi lui fait croire que les moteurs sont morts. Puis, alors qu’il semble dériver dans l’espace, il se « réveille » et prend tout le monde par surprise.

— En théorie, dit Mara.

Dans sa cuve, Pellaeon haussa les épaules.

— C’est le plan. Nous n’avons jamais eu l’occasion de le mettre en pratique.

— La différence entre une fausse mort et une vraie est parfois mince, rappela Mara.

— J’en ai conscience, admit le Grand Amiral. C’est pour ça que l’équipage a été réduit au minimum. Nous avons trouvé des cerveaux de vieux droïds de combat dans des réserves. L’Empereur Palpatine les avait récupérés quand le projet SD du gouverneur Beltane fut abandonné, il y a des dizaines d’années. Je me suis dit qu’on pouvait utiliser ces cerveaux en les combinant au vaisseau. Ce navire est capable de voler tout seul vers la cible, de mener une attaque convaincante et de garder son équipage en vie après la « mort » de sa coque extérieure. Puis il peut commencer sa deuxième opération, sous couverture, selon les nouvelles instructions. Il y a pas mal de place dedans pour les stabilisateurs et les amortisseurs d’inertie : en fait, c’est une coquille vide. Normalement, nous y aurions mis une escadrille de chasseurs Tie et quelques commandos, mais je suis sûr qu’on peut trouver de la place pour un autre chargement.

Saba comprit bientôt que « l’autre chargement » signifiait l’Ombre de Jade et un contingent réduit de chasseurs Tie. Si tout allait bien, le cuirassé – originellement appelé le Brave de Braxant, mais rebaptisé le Broyeur d’Os de Braxant en l’honneur de son plan –, serait rempli d’esclaves libérés. Une unité de repressurisation rapide avait été installée dans un coin de l’immense espace vide. Le rayon tracteur de l’Ombre de Jade aiderait à capturer le vaisseau d’esclaves et son chargement. Des champs de force garderaient l’atmosphère et le chargement à l’intérieur du Broyeur assez longtemps pour que le navire se mette en sûreté – par un saut hyperspatial – pendant que les chasseurs et Mara couvriraient sa retraite.

C’était le plan, et il était assez fou pour marcher. Saba s’empêcha de penser à ce qu’elle aimerait faire aux Yuuzhan Vong si l’occasion s’en présentait. Elle se concentra plutôt sur les prisonniers, dans le vaisseau d’esclaves. Eux seuls comptaient, pas ce qu’elle avait perdu.

— Tout est en place, dit la voix de Jacen sur le comlink sécurisé. Tu peux te poser, tante Mara.

L’Ombre de Jade se positionna sur la même orbite que le Broyeur d’Os.

— Tout est paré ? demanda Mara.

— Le saut initial est programmé. Nous sommes prêts quand tu le seras.

Jacen avait voulu participer à la mission dès qu’il avait appris qu’elle aurait lieu. Pellaeon le lui avait déconseillé.

— Vous devriez rester en arrière, avait-il dit. La place d’un chef responsable…

— Je ne suis le chef de personne.

— Vous le serez un jour. Vous devez à ceux qui vous suivent d’être là pendant et après la campagne.

Ce compliment n’avait pas suffi à détourner Jacen de son idée. Finalement, il avait conclu un compromis : il serait le cerveau humain caché derrière ceux des droïds pendant la ruse complexe du Broyeur d’Os. Tapi dans les profondeurs du cuirassé, à l’abri, il dirigerait les opérations. Les droïds SD, malgré leur complexité, n’étaient pas à la hauteur d’un Jedi.

Saba en fut rassurée : avec Jacen pour le diriger, le cuirassé ferait ce qu’il était censé faire. Une fois que Danni et elle seraient dans le vaisseau d’esclaves, elle voulait être sûre d’avoir un endroit où se réfugier en en partant.

Danni vérifia sa combinaison – pour la millième fois, lui sembla-t-il –, pendant que l'Ombre de Jade entrait dans le hangar du Broyeur d’Os. Elles avaient assez d’air pour six heures. Si elles n’étaient pas sorties d’ici là, il leur faudrait trouver des zones pressurisées sur le vaisseau d’esclaves, ou apprendre à respirer autre chose que de l’oxygène…

— Tout ira bien, dit Saba à Danni. Souviens-toi de la chasse au yammosk.

— C’était facile, comparé à ça.

Avec les cheveux tirés en arrière, sous le capuchon de sa combinaison, Danni avait l’air bien plus jeune. Menue comme elle était, on n’aurait même pas pu la prendre pour une enfant barabel. Mais Saba savait de quoi l’humaine était capable. Elle avait survécu aux Yuuzhan Vong plus d’une fois. Certains disaient qu’elle portait bonheur !

Saba n’aurait pas juré que c’était vrai, mais elle savait que la femme était sensible à la Force. Et cela jouerait en leur faveur.

De longues inspirations l’emplirent d’une énergie qu’elle n’avait pas eue depuis des mois. L’idée du défi à venir était à la fois excitante et effrayante. Elle se savait capable de réussir, mais peu importait si elle n’y arrivait pas. Elle devait essayer. C’était la seule façon qui lui restait de se libérer.

Une série de clangs lui apprit que l’Ombre de Jade s’était arrimée à l’intérieur de la coque primaire du cuirassé, pour résister aux secousses que le vaisseau subirait pendant la première phase de sa mission. Derrière Mara, Saba vit deux rangées de chasseurs Tie protégées par des champs d’énergie amortisseurs. Le faux pont était plein de vieux Tie pilotés par des cerveaux de droïds et prévus pour servir de leurre pendant l’attaque initiale.

— Nous quittons l’orbite, dit Jacen, et nous nous dirigeons vers les coordonnées de saut.

— Bon vol, Broyeur d’Os de Braxant, dit la voix du Grand Amiral. Nous les garderons autant occupés que possible.

— Merci, Gilad, répondit Mara. Assurez-vous d’être encore là après, pour ramasser nos morceaux !

— Je vous rendrai la faveur avec plaisir.

Saba sentit un mouvement dans la Force, comme si Luke et sa femme communiquaient en privé.

Puis il n’y eut plus que le silence de l’hyperespace.

— Premier saut lancé, annonça Jacen.

— Projection optimale, dit la voix gutturale du contrôle des cerveaux de droïds. Tous les systèmes sont optimaux.

— Horaire prévu d’arrivée ?

— Sept point cinq minutes. Parfaitement optimal.

— Je suppose que « plus qu’optimal » n’existe pas, n’est-ce pas ? demanda Jacen.

— Bonne question, dit Mara. Si nous pouvions gagner quelques secondes, ça n’en vaudrait que mieux.

— Tout autre statut qu’optimal serait du gaspillage, dit le contrôle SD.

Saba siffla de déplaisir devant ce pragmatisme exaspérant.

— J’aimerais avoir quelques-uns des droïds YVH de Lando Calrissian pour nous donner un coup de main, souffla Danni.

— Tu n’es pas la seule, répondit Mara. Ça montrerait à ces cerveaux SD qu’il y a autre chose dans la vie qu’être à l’heure. L’obsolescence est un défaut terrible pour un droïd !

Jacen gloussa, mais le droïd se tut. Saba se détendit et attendit. Seul un autre Barabel se serait aperçu de la nervosité qu’elle trahissait pourtant : la raideur des écailles de son dos et le battement de ses paupières intérieures. Même l’entraînement Jedi n’était pas suffisant pour supprimer ça.

Vis dans le présent…

 

Le tunnel creusé par le chuk’a se terminait sur une série complexe d’alvéoles. Ce n’étaient pas vraiment des pièces, mais des salles forées au hasard, chaque fois que le chuk’a s’était arrêté. Le lambent de Nom Anor envoyait des reflets étranges autour de lui. Le chemin était difficile, et l’ancien exécuteur avançait lentement. Il ignorait jusqu’où allait le puits, sachant seulement que le sommet du chuk’a serait au point le plus bas. Là, ses tissus mous seraient exposés et sensibles…

Pendant qu’il avançait, il capta un bruit de respiration. Croyant d’abord que c’était l’écho de la sienne, il comprit rapidement que ce n’était pas le cas. Il enroula les doigts autour du lambent pour étouffer sa lumière, et avança vers la source du son.

Il arriva bientôt dans un passage en cul-de-sac où il vit une silhouette accroupie vêtue des haillons familiers des Honteux. Nom Anor respira mieux. Il avait cru un moment que c’était un guerrier envoyé pour couper le chemin aux fuyards.

— I’pan, imbécile, tu m’as fait…

Il s’interrompit quand le Honteux se tourna vers lui. Ce n’était pas I’pan, mais Kunra.

Le guerrier disgracié se leva et brandit un éclat de corail yorik taché d’une substance sombre.

— Que faites-vous ici ? demanda-t-il, sans cacher son inimitié pour Nom Anor.

— Je pourrais te demander la même chose. Mais je suppose que nous sommes là pour la même raison.

Le guerrier baissa les yeux, puis regarda de nouveau Nom Anor.

— C’est bien le capuchon du chuk’a, n’est-ce pas ? demanda l’ancien exécuteur en montrant le sol, aux pieds du guerrier.

Le chuk’a bloquait maintenant le passage, interdisant l’entrée à toute autre créature souterraine susceptible de venir d’en dessous. Il empêchait aussi quiconque de descendre. S’ils ouvraient le « bouchon », Kunra et lui pourraient s’enfuir avant que les guerriers les trouvent. Avec un peu de chance, ils ne les suivraient pas dans les ténèbres.

Mais le « capuchon » de la créature était solidement fixé sur les côtés du puits. Il ne serait pas facile de la forcer à retirer ses fixations. Une couche de chair souple et spongieuse, sous le capuchon, couvrait le nerf connecté au réseau de ganglions de la créature. Si ce nerf était stimulé, les pinces du capuchon se rétracteraient, et le chuk’a tomberait dans le puits, libérant le passage. D’après le sang sur les mains et Kunra, Nom Anor comprit qu’il n’avait pas eu beaucoup de succès jusque-là.

— Oui. Mais je n’arrive pas à l’atteindre…

— Laisse-moi essayer.

Nom Anor avança, confia le lambent à Kunra, sortit son coufee de fortune puis se pencha et examina la partie charnue de la bête. Enfin, il creusa, cherchant le nerf avec la pointe du coufee. Ce n’était pas facile, d’autant plus qu’il était perturbé par l’idée que le guerrier se laisserait peut-être aller à l’assommer avec son éclat de corail.

— Je n’y vois rien, dit-il. Approche la lumière.

Kunra obéit. Nom Anor soupira de soulagement.

Nous voilà alliés, pensa-t-il. Pour le moment. Mais il y a des choses que je dois savoir.

— Les as-tu conduits jusqu’ici ? demanda-t-il. Les guerriers ?

— Non ! cria Kunra, si choqué que Nom Anor en déduisit qu’il disait la vérité. Pourquoi pensez-vous ça ?

— Nous sommes les seuls à nous en être sortis, et je sais que ce n’est pas moi qui les ai appelés.

— Ni moi, affirma Kunra. J’ai pu m’échapper parce que… (Il hésita, puis se força à continuer.) J’étais avec Sh’roth quand ils sont arrivés. Pendant qu’ils le combattaient, j’ai… pris la fuite.

Nom Anor étudia un instant Kunra, puis se remit au travail.

J’ai pris la fuite.

Ça expliquait pourquoi Kunra était le seul qui avait pu s’échapper… et pourquoi il était un Honteux. Les guerriers ne fuyaient jamais. D’après l’expression de Kunra, ce n’était pas la première fois qu’il montrait sa couardise. Il avait sans doute eu de la chance de s’en tirer en devenant simplement un Honteux.

— Alors, qui les a amenés ici, à ton avis ? demanda Nom Anor.

Quelqu’un l’avait-il trahi ? Si Shimrra avait appris qu’il était toujours vivant, envoyer une bande de guerriers le tuer lui ressemblait bien.

— La chose que les hautes castes craignent plus que tout : l’hérésie.

C’était possible, admit Nom Anor. Les prêtres toléreraient encore moins les « sectes Jedi » que les Jedi eux-mêmes. Mais si c’était ça, pourquoi n’avait-il jamais entendu parler de ces raids dans les entrailles de Yuuzhan’tar ? Peut-être parce qu’il n’y avait pas de vraie piste à suivre. Un prêcheur capturé menait à deux ou trois autres, pas plus…

Les recherches de Nom Anor avaient-elles pour la première fois fourni une piste à suivre aux autorités ? Il avait peut-être provoqué la mort prématurée des Honteux en essayant de trouver un moyen d’utiliser leurs croyances à son bénéfice. Ironique… Sans eux, et sans moyen de quitter le puits, il était pris dans un piège de sa propre fabrication.

La frustration le poussa à enfoncer son arme de plus en plus violemment dans le capuchon du chuk’a. Il sentit finalement la créature réagir – un spasme – et comprit qu’il était près du nerf.

Il enfonça la lame plus profondément. Les tissus, autour de sa main, se crispèrent. Craignant de perdre la seule arme qu’il avait, il sortit rapidement le coufee du capuchon. Une fontaine de sang noir jaillit, et le chu’ka frémit de nouveau.

Kunra eut l’air soulagé.

— Vous avez déjà fait ça ? demanda-t-il, un sourire naissant sur ses lèvres scarifiées.

Nom Anor allait avouer qu’il n’avait jamais rien fait d’approchant dans sa vie, quand le sol céda sous leurs pieds.

Ils tombèrent tous les deux dans le puits.

 

Les pensées de Jacen Solo étaient mobilisées sur le présent immédiat, pas sur l’avenir. Avant la fin du saut, il y avait tant à faire : étudier les systèmes, programmer les cerveaux de droïds, vérifier leur stratégie… C’était nécessaire. Quand il donnerait l’ordre de passer au dernier saut, la mission commencerait vraiment, et il n’aurait plus le temps de s’assurer que tout était en place.

Jacen était installé dans le cockpit d’un Tie incapable de voler dissimulé à l’intérieur du Broyeur d’Os avec l’Ombre de Jade et plusieurs autres chasseurs. Electroniquement connecté au cerveau du cuirassé, il était en mesure de superviser tous ses mouvements.

Jacen espérait que les Yuuzhan Vong se laisseraient berner. Sinon, le cuirassé ne résisterait pas longtemps, et la mission serait, elle aussi, très brève. Le vaisseau avait en réserve une seule surprise. Après, ils pourraient uniquement se fier au hasard. Et même si sa famille était connue pour sa chance insolente, Jacen n’avait pas envie de compter dessus pour la réussite de cette mission. La mort d’Anakin avait prouvé que la chance pouvait tourner…

Il continua ses vérifications. Si la tâche était complexe, elle occupait uniquement la partie analytique de son cerveau. La partie intuitive, qu’il consacrait habituellement à comprendre sa place dans la Force, était tournée vers Danni et Saba. En observant leurs préparatifs, il mesura à quel point son rôle était limité.

Il était là pour vérifier ce que les cerveaux SD feraient. Mais il estimait important qu’il soit présent – pour des raisons qu’il s’était jusque-là cachées à lui-même…

La nervosité de Danni le touchait profondément. Elle n’avait pas de sabre laser, ni de formation complète dans la Force et devrait se fier à Saba tout au long de cette mission. Mais elle y allait quand même, et son courage la rendait encore plus sympathique. Jacen se souvint des moments qu’ils avaient partagés en attendant que Yage monte à bord de l'Ombre de Jade. Il avait senti une connexion avec elle. Etait-ce le signe de sentiments profonds ? Il avait été amoureux d’elle, après l’avoir sauvée sur Helska 4. Un attachement né des circonstances, rien de plus, s’était-il dit. Maintenant, il éprouvait de nouveau cette attirance, et il avait fallu peu de choses pour la réveiller.

Quand la mission serait terminée, il devrait en savoir plus sur tout ça. Avec délicatesse, bien entendu. Il avait prouvé qu’il était un pilote, un guerrier et même un Jedi. Mais pour les affaires de cœur, il restait un novice.

— Saut terminé, annonça le contrôle des droïds.

— Euh… On est à mi-chemin, dit Jacen aux autres.

— Voilà qui me semble parfaitement optimal, railla Mara.

— Exact, approuva le contrôle.

Les cerveaux de droïds n’avaient pas été programmés pour reconnaître l’ironie.

Avec le cap calculé par Jacen, ils sortiraient de l’hyperespace juste au-dessus du vaisseau d’esclaves.

— On y sera bientôt, dit-il aux autres passagers.

— Dans sept point quarante sept minutes, précisa le contrôle. Circuits tactiques enclenchés. Tie-leurres prêts à décoller. Générateurs de boucliers programmés. Détonateurs de la coque armés.

Les cerveaux de droïds égrenèrent leur liste de vérifications toutes les minutes. Jacen se laissa hypnotiser par la litanie régulière et son esprit dériva.

Ses pensées retournèrent vers Danni. Il appela une vue du cockpit de l'Ombre de Jade, où son amie et Saba attendaient avec Mara le véritable début de la mission.

La respiration de Danni se fit plus lourde à mesure que la tension montait. Mais il y avait de l’excitation dans cette tension, et elle était contagieuse. Jacen sentit son cœur commencer à battre plus vite, et ses paumes se couvrir de sueur…

Content que le cerveau de droïd annonce l’imminence de leur arrivée, il s’occupa en vérifiant tout trois fois.

— On y est ! lança-t-il dans le comlink. Accrochez-vous. Ça va être un peu chaud.

— Je suis sûre que tu feras bien attention à nous, Jacen, dit sa tante.

— Cinq secondes, annonça le contrôle SD. Statut : optimal. Trois. Deux. Un.

Dès que le cuirassé revint dans l’espace réel, les détecteurs balayèrent la zone, cherchant le vaisseau d’esclaves. Quand ils l’eurent trouvé, pratiquement à l’endroit prévu, les canons du cuirassé se verrouillèrent dessus et commencèrent à tirer sur les tentacules. Au même moment, l’escadron-leurre décolla du hangar et se déploya pour attaquer.

Une phase cruciale de l’opération… Jacen ne put plus contrôler sa nervosité. L’attaque devait être assez violente pour tromper les Yuuzhan Vong. Mais il ne fallait pas endommager trop gravement le vaisseau d’esclaves… et surtout, ses passagers.

Il y avait peu de risques. Les tentacules du navire étaient résistants. Il n’avait pas de canons à plasma et ses basals dovin n’étaient pas aussi sensibles que ceux des vaisseaux de guerre.

Mais des coraux skippers décollèrent rapidement des vaisseaux les plus proches pour intercepter l’agresseur.

Jacen regarda, les poings serrés. Difficile de ne pas être angoissé dans ces conditions !

Mais ce vol était en principe une mission suicide. Les Yuuzhan Vong le croiraient, car ça convenait parfaitement à leur idéologie. L’arrogance de cette espèce ne lui permettait jamais d’apprendre de ses erreurs…

Les cerveaux de droïds nageaient dans leur élément. Disposés sur tout le vaisseau, et reliés par un réseau à grande vitesse, ils tiraient avec les turbolasers et s’occupaient des boucliers tout en donnant des ordres aux cerveaux plus simples des chasseurs Tie. Leurs rapports restèrent froidement objectifs. Même quand un missile traversa les boucliers et en détruisit un, leur ton ne changea pas.

Les skips abattirent trois Tie. Trois autres suivirent en moins d’une minute. Les chasseurs survivants parvinrent à endommager un des tentacules, pendant que le Broyeur d’Os éliminait trois coraux skippers grâce à la technique de tir que Jacen avait programmée dans le système tactique.

Bientôt, les derniers chasseurs Tie explosèrent.

Dès que le nuage de débris se dissipa, l’attaque se porta sur le cuirassé lui-même. Les cerveaux SD firent pivoter le vaisseau comme s’il avait l’intention de fuir. Les skips l’encerclèrent et l’arrosèrent de plasma. Les explosions secouèrent le bâtiment quand les droïds sacrifièrent volontairement les boucliers. Un des moteurs explosa. Les générateurs du Broyeur d’Os commencèrent à faiblir.

Les Yuuzhan Vong n’eurent pas besoin d’autre encouragement. Sentant l’odeur du sang, ils arrosèrent la coque de plasma. Les batteries de laser explosèrent, les boucliers s’enflammèrent et l’air s’échappa des ponts dépressurisés.

Le nez rond du cuirassé s’ouvrit comme si la passerelle avait été atteinte. La pesanteur artificielle disparut en même temps que les derniers moteurs. Alors, les générateurs de réserve encaissèrent un coup direct qui perça un trou énorme dans le flanc du vaisseau.

Tout fut terminé. Les générateurs se mirent hors service, et – puisque Jacen était là pour les réactiver quand ce serait nécessaire – les cerveaux SD aussi.

Le cuirassé s’immobilisa.

Jacen retint son souffle, sentant que les pilotes de Tie et l’équipage de l’Ombre de Jade faisaient la même chose. Cet instant déterminerait le succès ou l’échec de la mission. Si les Yuuzhan Vong ne croyaient pas que le vaisseau était « mort », il ne tarderait pas à l’être pour de bon.

Le Broyeur d’Os de Braxant semblait avoir perdu ses chasseurs dans une attaque ratée et avoir été réduit à l’impuissance. L’ennemi n’aurait aucune raison de penser qu’un autre escadron attendait l’ordre de décoller. Tout dépendait du maintien de cette illusion.

Deux holocams fixées sur la coque transmettaient les données à Jacen. Il garda les yeux rivés sur ces images.

Mara brisa finalement le silence.

— Il y a quelque chose, Jacen ?

— Rien de convaincant pour le moment. Ils ne tirent plus, mais le vaisseau d’esclaves n’est plus en vue.

— Celle-ci est convaincue par le calme, dit Saba.

La Barabel avait raison : les Vong avaient arrêté l’attaque.

— D’accord…, dit Jacen. Tout le monde à son poste. Je vous préviendrai par un clic dès que j’aurai quelque chose de décisif.

Il se projeta dans la Force.

Bonne chance, lança-t-il à Danni et Saba.

Si elles captèrent sa pensée, elles étaient trop occupées pour lui répondre.

Il entendit un bourdonnement électromagnétique, mais il douta que quelqu’un le perçoive à l’extérieur du cuirassé.

Une ombre passa sur les écrans, devant lui. Il se raidit. La lente dérive du Broyeur d’Os de Braxant ramenait le vaisseau d’esclaves en vue, bien plus gros qu’auparavant.

Jacen cliqua une fois pour confirmer que tout se passait selon le plan. Une seconde après, une secousse ébranla le cuirassé. Jacen pensa une seconde que ce clic les avait trahis. Puis il comprit qu’il avait senti le basal dovin du vaisseau d’esclaves alors qu’il s’emparait du Broyeur d’Os.

Tout se passe comme prévu, dit Mara.

Elle avait envoyé des pensées rassurantes à tout le monde à bord.

Une autre secousse suivit, ponctuée par un bruit de métal tordu. Jacen craignit un instant pour l’intégrité structurelle du vaisseau.

Quand tout se calma, les étoiles ne tournaient plus aussi vite. Le vaisseau d’esclaves pivotait aussi, accroché à la coque du Broyeur d’Os par la version yuuzhan vong de la pesanteur artificielle.

Jacen cliqua de nouveau, puis parla dans l’unité com.

— Ils nous ont, dit-il.

— Les chasseurs ennemis ?

— Nous pouvons supposer que la plupart sont retournés sur les grands vaisseaux. Il en reste juste assez pour…

Une voix l’interrompit. Si les récepteurs du cuirassé étaient intacts, l’émission restait désactivée.

— Ici le commandant B’shith Vorrik, dit une voix en yuuzhan vong.

En principe, les villips n’émettaient pas sur les fréquences électromagnétiques, sauf s’ils étaient modifiés par un oggzil afin de s’adresser à l’ennemi.

Les paroles suivantes de Vorrik confirmèrent cette analyse.

— Tous les infidèles doivent se rendre immédiatement, ou être détruits.

Jacen serra les poings. Le commandant savait qu’ils étaient à bord. Le plan avait échoué !

Attends, Jacen, transmit Mara.

— Nous n’avons pas l’intention de devenir des esclaves, dit la voix de Gilad Pellaeon.

Jacen faillit éclater de rire : l’ultimatum des Vong était adressé aux Impériaux, pas au Broyeur d’Os.

— Livrez-nous le Jedi que vous avez à bord, continua Vorrik.

Jacen ricana. Apparemment, les tactiques que les Jedi avaient apprises aux Impériaux n’étaient pas passées inaperçues.

— Pourquoi livrerions-nous ceux qui nous aident ? demanda Pellaeon.

— A quoi sert une aide, si elle conduit à votre destruction ? répondit Vorrik.

— Vous nous avez attaqués sans provocation, lança Pellaeon. Parce que vous avez toujours eu l’intention de nous détruire.

— La présence du Jedi est une provocation suffisante ! Votre résistance en est une aussi ! Maintenant, infidèles, rendez-vous !

— J’ai une meilleure idée, dit Pellaeon. Quittez le système pendant que vous êtes encore en position de le faire.

Le Grand Amiral tentait de gagner du temps. Ou il voulait donner cette impression… Les systèmes du cuirassé étant coupés, Jacen ne pouvait pas savoir quelle était la disposition des forces impériales. Il supposa que Pellaeon continuait à suivre le plan initial : faire croire à l’ennemi qu’il battait en retraite.

Le rire du commandant vong retentit dans les récepteurs.

— Si vous comptiez sur votre attaque contre notre arrière-garde pour changer le cours de cette bataille, dit-il, sachez qu’elle a échoué. Votre survie repose sur ma bonne volonté, imbécile !

Pellaeon hésita juste assez longtemps pour donner l’impression que cette nouvelle l’avait secoué.

— Je doute qu’il existe un atome de bonne volonté dans la culture yuuzhan vong, dit-il, la voix tremblante. Nous préférons mourir que nous rendre, Vorrik.

— Qu’il en soit ainsi ! Et que Yun-Yammka dévore vos corps en même temps que vos âmes !

Jacen cessa d’écouter. Un clic lui avait indiqué que Danni et Saba étaient en position et s’apprêtaient à traverser pour entrer dans le vaisseau d’esclaves.

Il les sentit partir et capta leur appréhension quand les tentacules les saisirent.

La situation était désormais hors de son contrôle, comme la bataille de Pellaeon autour de Borosk.

 

Quand la gueule d’un des tentacules survivants du vaisseau d’esclaves se tendit vers elle, Saba Sebatyne crut que son courage allait l’abandonner. Un sphincter de deux mètres de large qui fouillait dans les trous de la coque était suffisant pour inquiéter n’importe qui.

Dans la morgue du destroyer, les hommes de Pellaeon avaient récupéré des cadavres qui gisaient un peu partout dans le cuirassé. Saba plaignait les familles des morts, mais elle savait que c’était nécessaire, si elles voulaient mener cette mission à bien. Un vaisseau détruit sans victimes aurait éveillé des soupçons…

Les tentacules ne perdirent pas leur temps à s’occuper des morts. Ils continuèrent à chercher, s’enfonçant davantage dans les trous de la coque.

Danni pâlit sous son casque, mais ne recula pas quand un des appendices approcha d’elle.

Saba ne broncha pas non plus. Se fiant à la Force, et à la solidité de sa combinaison pressurisée, elle sortit de sa cachette et se dirigea vers un tentacule…

… Qui se tourna vers elle.

Elle se raidit, se souvenant de l’atroce fin de son peuple…

Ce n’était pas le moment de repenser à ça. Elle avait besoin de toutes ses capacités pour agir.

Happée par la gueule béante du tentacule, Saba descendit le long d’un tube nervuré, vers la soute du vaisseau.

La soute ? Pourquoi essayer de me leurrer ?

Il s’agissait du ventre du navire, et il était en train de la manger !

Les contractions se firent de plus en plus fortes quand elle approcha de l’extrémité du tentacule.

Elle se demanda si Danni la suivait, mais n’eut pas le temps de vérifier, trop prise par ce qu’elle éprouvait pour percevoir quelqu’un d’autre. Pourtant, elle aurait aimé tendre la main et toucher Danni, histoire de se rassurer un peu.

Le trajet s’acheva abruptement, le tentacule la crachant dans une masse de gelée. Des grumeaux durs la frappant au visage, Saba craignit pour l’intégrité du masque de sa combinaison, mais il résista.

Une douleur soudaine lui déchira la poitrine. Rien ne semblait cassé, mais elle était endolorie. Autour d’elle, la lueur infrarouge diffuse ne permettait pas de voir clairement.

Puis quelque chose gratta la plaque transparente de son casque. Trouvant sa torche à tâtons, Saba l’alluma. Une créature en forme d’étoile essayait de traverser son casque. Elle la repoussa et se trouva soudain face à face avec un humain.

La Barabel haleta sous le choc, mais se reprit vite. Bien sûr ! Qu’attendait-elle, dans un vaisseau d’esclaves ? Le liquide, autour d’elle, était une version de la gelée blorash utilisée pour immobiliser les ennemis. La créature, devant son casque, était un gnullith, un masque respiratoire vivant utilisé par les Yuuzhan Vong. L’humaine aux cheveux noirs qui flottait devant elle n’avait pas de gnullith. Elle était morte, bien entendu, noyée avant que les gnulliths n’arrivent.

Sentant une onde de choc, derrière elle, Saba supposa que Danni venait d’arriver. Elle essaya de nager vers les parois internes du vaisseau, mais elle ignorait si elle allait dans la bonne direction – et même si elle avançait.

Elle tenta de grimper, s’appuyant sur les gens qui flottaient autour d’elle. Ils semblaient drogués. Là aussi, elle ignorait si elle avançait, ou si elle poussait simplement ces malheureux en arrière.

Changeant de tactique, elle se concentra, ferma les yeux et utilisa la Force pour se propulser à travers la gelée.

La paroi se rapprocha peu à peu. Les prisonniers, même inconscients, avaient peur dans leurs rêves, et leurs cauchemars étouffaient Saba. Pour les bannir, elle fredonna une chanson enfantine.

Quand elle atteignit une paroi, elle l’agrippa et se laissa le temps de reprendre des forces. La surface intérieure était nervurée, il ne serait pas difficile d’avancer en s’y accrochant. Il lui suffirait de reprendre ses esprits…

Saba faillit crier quand elle sentit quelque chose s’accrocher à sa ceinture. Elle se retourna, mortellement inquiète, jusqu’à ce que le visage angoissé de Danni apparaisse dans son champ de vision.

— Saba ? Ça va ? demanda Danni, sa voix étouffée par la gelée. Tu trembles…

— Je suis très heureuse de te voir, Danni Quee, dit la Barabel. Comment as-tu su où me chercher ?

— Grâce à la Force. Ne peux-tu pas me voir aussi ?

— Non, il y a trop de gens ici. Je suis noyée dans leurs esprits.

Danni regarda autour d’elle et frissonna.

— Il fait sombre. Heureusement que j’ai cette lampe.

— Je suis ravie que tu l’aies trouvée.

— Sais-tu où nous sommes ?

Saba se concentra. Elle ne percevait pas les Yuuzhan Vong, ni le vaisseau, mais elle sentait la forme du sac qui contenait les humains. De là, elle pouvait déduire où elles étaient.

— Un peu plus loin, au-delà du milieu du navire, il y a une bosse qui doit contenir le centre de commande du vaisseau. A environ cent mètres d’ici…

— Montre-moi le chemin, et allons-y, dit Danni. Plus tôt nous serons sorties de là, mieux ça vaudra.

Saba avança en enfonçant ses griffes dans la paroi. Danni la suivit, se servant de sa queue comme guide. Saba dut repousser des corps inconscients ou morts et l’énergie supplémentaire que cela demandait la fatigua rapidement.

Se déplacer le long de la paroi se révéla plus facile que nager dans la gelée, mais quand même pas agréable. Les nervures, comprit Saba, étaient composées de grandes fibres musculaires qui gardaient la pression constante et permettaient au vaisseau de grossir pour accueillir de nouveaux passagers. Les esclaves étaient inconscients, probablement à cause des produits ingérés par l’intermédiaire des gnulliths – puisque le contact avec la gelée n’avait pas affecté Danni et Saba –, et il semblait que les Yuuzhan Vong n’avaient pas détecté la menace pour le moment. Au pire, se dit Saba, Danni et elle pourraient sortir en se frayant un chemin dans la couche de chair intérieure. Mais cela aurait impliqué un risque de décompression explosive, qui aurait projeté le contenu du sac dans le vide spatial…

Une catastrophe que Saba était décidée à éviter !

La Barabel se força à se dépêcher. Elle ignorait combien de temps le vaisseau d’esclaves resterait près du cuirassé pour chercher de nouveaux prisonniers. S’il s’en éloignait, leur travail deviendrait mille fois plus difficile.

La « bosse » avait la forme d’un volcan, une lèvre ronde entourant une petite dépression, au sommet. L’inspectant, Saba constata que ce n’était pas une sortie, contrairement à ce qu’elle espérait. Il s’agissait d’une entrée, mais trop petite pour elle. Les nouveaux gnulliths arrivaient par là, sur un courant de gelée blorash.

Les éviter fut difficile.

Danni appuya la vitre de son masque contre celle de Saba.

— Cet endroit est plus terrifiant de minute en minute.

— Au moins, les Vong ne semblent pas avoir détecté notre présence. Nous sommes en sécurité…

— Pour le moment…

Danni plongea la main dans son sac et en sortit un gros cylindre. Saba l’aida à dévisser le bouchon, et écarta la gelée assez longtemps pour lui permettre d’activer l’appareil. Quand Danni effleura la télécommande, six scarabées-droïds Mark VII se réveillèrent. Munis de six pattes longues comme un doigt humain et de deux crocs d’injection rétractables, ils étaient équipés de biorécepteurs réglés sur les biorythmes et les phéromones des Yuuzhan Vong.

Normalement, ils n’avaient pas besoin de télécommande, mais ces modèles-là avaient été modifiés pour que Danni puisse les manipuler à distance dans un environnement totalement inconnu.

Les scarabées laisseraient derrière eux un fil pratiquement invisible qui leur permettrait de rester en contact avec Danni sans utiliser de comlink.

Un écran, dans le casque de Quee, lui permettrait de voir tout ce que les scarabées voyaient. Elle programma des instructions dans les minuscules droïds et les introduisit dans l’évent des gnulhths.

Saba activa aussi son écran.

Les droïds s’enfoncèrent dans le sphincter. Ils glissèrent le long des trois mètres de l’évent, repoussant les gnulliths sur leur chemin.

Puis le scarabée de tête détecta de la lumière et ralentit. Ils étaient au bout de l’étroit passage. Danni ordonna au droïd de déployer prudemment un photorécepteur. Elle découvrit un réservoir plein d’un liquide transparent plus épais que l’eau, avec des bulles en suspension. Des créatures grouillaient dans le liquide. Le réservoir de gnulliths…

Le scarabée ne détectant aucun Yuuzhan Vong dans le secteur, il sortit de l’évent et nagea dans le réservoir. L’ignorant, les masques organiques en forme d’étoile continuèrent à avancer. Les autres scarabées suivirent le mouvement et s’éparpillèrent dans le réservoir. Le premier trouva un passage dans la paroi et laissa ses collègues derrière lui.

Saba choisit les images émises par ce scarabée. Elles devinrent vite une série de gros plans sur du corail yorik non poli. Le droïd essaya plusieurs chemins – tous des culs-de-sac. Après plusieurs essais infructueux, Saba commença à se sentir frustrée. Si Danni et elle ne trouvaient pas rapidement la salle de commande, elles ne pourraient pas sauver les prisonniers… et elles partageraient leur sort !

— Je l’ai ! annonça soudain Danni.

— Où ? demanda Saba.

— Le scarabée Quatre.

Saba bascula sur les émissions de ce droïd et étudia l’affichage de biorythmes sur l’image d’une étroite fissure. Le scarabée approchait du bout de la fissure, qu’on voyait devant lui. De la lumière brillait au-delà. Saba entendit dans ses écouteurs le son guttural de voix vong.

Le scarabée s’immobilisa à hauteur d’épaules de deux guerriers vong immergés jusqu’aux coudes dans les commandes organiques typiques de ce genre de vaisseau. Sur un écran vivant, devant eux, Saba vit ce qu’elle supposa être un gros plan de l’épave du cuirassé. L’image était difficile à identifier, car l’écran n’était pas configuré sur des fréquences aisément visibles par les membres de son espèce.

Danni fut plus affirmative.

— C’est le Broyeur d’Os, dit-elle. Nous savons au moins qu’il nous reste un moyen de quitter ce piège !

Pour combien de temps ? pensa Saba.

— J’envoie les autres scarabées rejoindre Quatre, dit Danni. Nous les lancerons à l’attaque quand ils seront réunis. D’accord ?

Saba fit un signe affirmatif. Comme elles n’avaient pas trouvé de chemin pour sortir de la soute par l’intérieur, c’était à l’humaine de jouer. Mais la Barabel avait encore des doutes.

— Il y aurait deux pilotes pour un vaisseau de cette taille ?

— Nous n’avons pas détecté d’autres êtres vivants, et les scarabées ont sondé soixante-dix pour cent du volume. Mais ce n’est pas étonnant : ce travail doit être jugé peu honorable. Pas de bataille, pas de victoire…

Saba en fut un peu rassurée. Si c’était le cas, l’attaque du Broyeur d’Os de Braxant était sans doute l’aventure la plus excitante que ces Vong aient vécue depuis longtemps. Ils ne s’attendraient sûrement pas à un autre assaut, surtout venant de l’intérieur ! Et leur allure lui donnait à penser que Danni avait raison : leurs armures mal ajustées avaient un air malsain.

Les images émises par les scarabées se recoupèrent de nouveau. Massés dans la fissure, ils émettaient de petits cliquetis.

— A quelle distance ces droïds peuvent-ils sauter ?

— Je n’en suis pas sûre, répondit Danni. Ils ont leurs propres algorithmes d’attaque. Je préfère ne pas m’en mêler.

— Tu es sûre que le poison agira ?

Cilghal avait identifié plusieurs toxines anti Yuuzhan Vong. Les réservoirs des droïds en étaient remplis.

— Non, dit Danni. Mais nous le saurons bientôt.

Elle tapa une série d’instructions sur sa télécommande. Quatre scarabées se détachèrent des autres et sortirent du trou. Le cinquième et le sixième restèrent en arrière pour transmettre des images.

Saba se força à rester immobile. Un scarabée apparut en haut de son écran et rampa le long du mur, vers le plafond. Puis un autre glissa sur le sol, à gauche, et un autre à droite. Le quatrième était encore hors de vue.

Saba se pencha, comme pour mieux voir.

Les Yuuzhan Vong ne s’étaient pas aperçus de la présence des scarabées.

Quand le plus mal fagoté des deux se pencha pour manipuler une commande, l’insecte qui avançait sur le côté se figea. Celui du plafond continua. Et si les Vong l’entendaient ? se demanda Saba.

Tout pouvait encore capoter…

Elle regarda le scarabée se placer lentement à l’aplomb du Yuuzhan Vong. Puis il s’arrêta, tourna la tête vers le bas et se laissa tomber sur le guerrier.

Le Vong hurla de douleur quand les crocs métalliques s’enfoncèrent dans son bras. Se levant d’un bond, il écrasa l’insecte contre le mur.

Le deuxième guerrier se leva aussi. Un autre scarabée se jeta sur lui et essaya de le mordre à l’aisselle, où l’armure en crabe vonduun était plus vulnérable. Mais il ne parvint pas à enfoncer ses crocs assez profondément et le guerrier le repoussa.

Les deux Vong, d’abord surpris, se reprirent vite. Même s’ils étaient à un poste tenu pour peu honorable par leurs pairs, ils restaient des combattants redoutables.

Ils dégainèrent des armes. Si l’un d’eux avait un coufee, l’autre disposait d’un bâton amphi qui siffla vicieusement dans sa main. Le deuxième scarabée réattaqua, mais il fut très vite détruit. Le troisième et le quatrième se joignirent à la bataille, essayant de mordre le Yuuzhan Vong toujours indemne. Son bâton s’abattit et des morceaux de scarabées volèrent autour de lui.

Danni se mordit la lèvre quand elle lança le cinquième droïd assassin. Il sauta sur le dos du guerrier, planta ses crocs dans une fente de son armure et injecta le poison dans son système circulatoire. L’autre guerrier l’en débarrassa d’un coup de coufee. Les aiguilles d’injection restèrent dans le dos du Vong, mais il tendit la main, les retira, ne paraissant pas affecté, et les regarda à la lumière.

— Le poison n’agit pas ! paniqua Danni.

— Grakh ! cracha le Yuuzhan Vong en jetant les aiguilles.

L’autre guerrier appuya sur les commandes de la console biologique, devant lui, et brailla dans sa langue. Une alarme se déclencha et un villip se déploya pour reproduire les traits d’un supérieur extérieur au vaisseau, qui se mit aussi à beugler.

Les droïds avaient échoué et des renforts ne tarderaient pas à arriver. Le cœur de Saba bondit dans sa poitrine quand elle sentit vibrer le vaisseau d’esclaves, et comprit qu’il venait d’accélérer à fond. Sur l’écran organique, la forme distordue du Broyeur d’Os de Braxant rapetissa à toute vitesse.

La Barabel ne pouvait rien faire, sinon regarder son seul espoir de survivre disparaître…

 

Le chuk’a, une créature simple, était élevé pour transformer la pierre en matériau de construction. Quand on lui ordonnait de se reposer, il dormait d’un sommeil de plomb. Et il fallait certaines stimulations, appliquées dans un ordre précis, pour le réveiller. L’ancien modeleur Sh’roth aurait pu fournir la liste à Nom Anor. Il l’aurait aussi averti de ne pas tirer abruptement le chuk’a de son hibernation, car cela impliquait toujours des ennuis.

La dague enfoncée dans son flanc arracha la créature au sommeil pour la plonger dans un univers de douleur. Le choc provoqua un spasme défensif qui força la créature à rétracter les griffes qui l’ancraient aux parois latérales du puits. Sa masse étant trop importante pour le fond du puits qu’il avait foré, la coquille sur laquelle se tenait Nom Anor et Kunra s’effondra, les entraînant vers le bas en même temps que le chuk’a.

Heureusement, la pente de l’évent assura une friction suffisante pour ralentir leur chute.

Le chuk’a et sa coquille rebondirent contre les parois, envoyant bouler leurs passagers. Nom Anor se roula en boule pour protéger son ventre et sa tête. Kunra n’était pas loin derrière lui et il l’entendait hurler de terreur. A travers la coquille, tous les deux sentaient le chuk’a essayer désespérément de s’agripper à la paroi du puits. Mais ses membres trop trapus ne le lui permirent pas. Protégé d’un seul côté par sa coquille, la créature fut rudement secouée par la descente. Elle perdit conscience juste avant qu’ils arrivent au bout de l’évent.

Nom Anor et Kunra tombèrent dans le vide. L’expérience fut pire que la descente du tube de ferrobéton, car ils étaient incapables de savoir combien de temps durerait leur chute, ni où elle se terminerait.

L’atterrissage fut brutal. Avec un bruit mou, la coquille se fendit et tomba en pièces autour de la créature qui l’avait sécrétée. Emporté par son élan, Nom Anor parcourut encore plusieurs mètres dans la cuvette où il était arrivé.

Grimaçant de douleur, il roula sur le côté.

Quand tout fut redevenu silencieux, Nom Anor s’assit. Bien qu’il eût mal partout, il ne s’autorisa pas un gémissement. Au fil des années, il avait appris à ne pas devenir l’esclave de la douleur, mais à l’utiliser comme un stimulant.

Dans la couche de débris qui tapissait le fond de la cuvette, il avança à quatre pattes en direction du lambent tombé non loin de là.

Il le ramassa.

La cuvette métallique avait un bord d’environ un mètre de haut. Il ne vit rien d’autre, car elle semblait suspendue au milieu d’un immense espace vide.

Aucun signe des restes de l’évent… Le nid des Honteux était donc toujours intact. S’il s’était détaché des parois et les avait suivis, les guerriers qui seraient tombés avec lui auraient été le cadet des soucis de Nom Anor.

Le chuk’a était mort. Son corps de mollusque éclaté gisait sur le sol de la cuvette, amortissant la chute de ses passagers et de la coquille qui leur avait servi de « selle ». Un liquide clair suintait des masses de chair grise.

Kunra cria de douleur. Craignant que le son porte, Nom Anor se leva et contourna le cadavre du chuk’a.

L’ancien guerrier était allongé de l’autre côté, une jambe transpercée par un morceau de coquille.

Quand il vit la lueur du lambent, Kunra essaya de se lever, mais la douleur le terrassa et il retomba sur le dos.

— Aidez-moi, haleta-t-il quand Nom Anor se pencha sur lui.

— Pourquoi ? demanda l’ancien exécuteur.

Les gémissements du Honteux lui inspiraient un insondable mépris.

— Quoi ? glapit le guerrier déchu.

— Pourquoi devrais-je vous aider ? répéta Nom Anor.

— Parce que je saigne à mort !

Nom Anor orienta la lumière du lambent sur la blessure de Kunra. A la façon dont le sang giclait de sa jambe, et à la pâleur alarmante de son teint, le guerrier ne se trompait pas sur la gravité de son état.

— Tu as abandonné tes amis, dit Nom Anor. Penses-tu mériter de vivre ?

— Et vous ? grogna Kunra, grimaçant de douleur.

— Ces gens n’étaient pas mes amis.

— Niiriit…, gémit le Honteux.

Nom Anor s’accroupit à côté de lui.

— Ça t’ennuie depuis que je suis arrivé, n’est-ce pas ? A partir de ce moment, elle ne s’est plus intéressée à toi.

— Vous avez tout gâché…

— Et tu n’as même pas réussi à être avec elle à la fin ! Si tu avais réellement eu des sentiments pour elle…

— D’accord ! cracha Kunra. C’est ce que vous vouliez entendre ? Je ne la chérissais pas assez pour partager son sort ! Mais aidez-moi, je vous en prie. Je ferai tout ce que vous voudrez. Ne me laissez pas mourir !

Nom Anor attendit que le guerrier soit inconscient et s’agenouilla à côté de lui. Il fouilla dans son sac et en sortit les quelques fournitures médicales volées lors de ses « excursions » avec I’pan.

La jambe du Honteux n’était pas cassée. Une chance, car Nom Anor avait décidé de soigner la blessure, mais il y avait des limites à ce qu’il pouvait accomplir. Pour remplacer le sang que Kunra avait perdu, il injecta des insectes knuths microscopiques dans les veines du mourant. Puis il ferma la plaie avec des scarabées à pinces, nettoya la blessure avec du porrh, un antiseptique, et la couvrit d’un bandage vivant – un neathlat. Il n’avait rien contre la douleur. Ce n’était pas dans les mœurs des Yuuzhan Vong. De toute façon, il voulait que Kunra ait conscience de la gravité de son état quand il se réveillerait, et qu’il lui en soit reconnaissant…

En attendant que le blessé reprenne conscience, Nom Anor explora l’endroit où il avait atterri. Le bord de la cuvette n’était pas uniforme. A un endroit, il y avait une indentation d’où partait un bras massif qui se perdait dans les ténèbres. Il servait probablement à fixer la cuvette à un mur. La surface du bras, plane, mesurait deux mètres de large.

Nom Anor devrait le traverser, s’il y avait un endroit où aller. De l’autre côté de la cuvette, il ne voyait rien, et il n’avait pas l’intention de risquer une nouvelle chute.

Il s’avisa qu’il avait passé une étape importante. N’avait-il pas survécu aux entrailles de Yuuzhan’tar, et à une attaque des membres de sa propre espèce ? Il était définitivement un fugitif, et cela le convainquit que survivre n’était pas suffisant. La paix qu’il avait trouvée dans les sous-sols avait toujours été illusoire…

 

Kunra gémit. Nom Anor approcha de lui et lui appuya son coufee sur la gorge à l’instant où il ouvrit les yeux.

— Je veux que tu comprennes une chose : j’aurais pu te laisser mourir. Mais ne crois pas que j’hésiterai à te tuer si nécessaire.

Probablement trop affaibli par ses blessures pour éprouver grand-chose, Kunra n’eut pas l’air effrayé.

— Je ne suis pas si bête, Nom Anor, dit-il. Votre réputation est établie. Vous ne faites rien qui ne serve pas votre propre cause.

— Et quelle est-elle, maintenant, Kunra ? demanda Nom Anor.

Il appuya un peu plus sa lame pour souligner l’importance de sa question.

— A vous de me le dire…

— Je désire beaucoup de choses… Au moment voulu, je les aurai. Tu as le choix : m’aider à les obtenir, ou mourir immédiatement.

Kunra essaya de rire, mais il souffrait trop pour ça.

— J’imagine que je n’ai pas le droit d’y réfléchir, n’est-ce pas ?

— Tu m’as déjà fait perdre assez de temps, dit froidement Nom Anor. Choisis tout de suite, ou meurs indécis. Peu m’importe.

L’ancien guerrier ferma les yeux, puis il hocha la tête.

— Je choisis de vous aider, Nom Anor.

— Parfait.

L’ancien exécuteur savait que la réponse de Kunra était sincère. Le guerrier déchu, un lâche, aurait fait n’importe quoi pour avoir la vie sauve. Il serait un bon garde du corps… pour un certain temps.

— Il y a deux autres choses que tu dois savoir, dit Nom Anor en rengainant sa lame. La première, c’est que tu ne discuteras jamais mes ordres. Pas plus d’une fois, en tout cas, parce qu’il n’y aura pas de deuxième…

Il s’interrompit pour permettre au blessé de bien assimiler ce point.

— Et la deuxième ?

— Tu ne m’appelleras plus jamais par mon vrai nom. Si c’est lui qui a provoqué la mort de Niiriit et des autres, j’aimerais éviter que ça se reproduise.

— Comment dois-je vous appeler ?

— Je n’ai pas encore choisi un nouveau nom… Pour le moment, Amorm fera l’affaire. C’est celui que j’utilisais dans les niveaux supérieurs, quand j’y allais avec I’pan. Mais il n’est plus sûr, maintenant…

Anor tendit la main et aida l’ancien guerrier à se lever. Sa jambe lui faisait mal, mais il pouvait marcher. La biotechnologie yuuzhan vong se révélait plus efficace que les machines des infidèles, ou même, soupçonnait Nom Anor, que la Force des Jedi.

— Où allons-nous ? demanda Kunra.

— Vers le haut. J’ai des affaires à régler.

 

Le comlink de la Barabel bipa au moment où Danni lui lança :

— Saba, attends ! Regarde !

A travers les photorécepteurs du dernier scarabée, Saba vit un des deux guerriers tomber à genoux, puis s’étaler sur le sol. Le deuxième essaya de lui porter secours, mais il trébucha et se heurta la tête contre la console.

Puis il s’écroula aussi.

— Le poison a agi ! Ça a simplement pris un peu plus longtemps que prévu !

— Ça ne change rien, dit Saba. Nous nous éloignons toujours du Broyeur d’Os.

La Barabel sortit son sabre laser et son comlink. Le silence radio ne semblait plus nécessaire.

— Jacen, ici Saba. Nous avons été découvertes. Réponds.

— Je t’entends, dit-il. Nous l’avions déjà compris. Mais nous nous apprêtons à vous récupérer. Pourrez-vous sortir ?

Danni passa aussitôt du soulagement à la détresse. Comme Saba, elle savait que le seul moyen de sortir était de découper la coque, avec pour résultat la mort certaine des prisonniers qu’elles étaient venues sauver.

Mais il y avait un moyen, pensa Saba. Risqué, et contraire à son instinct, mais ça pouvait marcher…

— Jacen, vide le pont de décollage, dit-elle. Garde l’Ombre de Jade arrimée et dis à Mara de préparer son rayon tracteur.

Danni écarquilla les yeux.

— Saba, tu ne vas pas… ?

— Nous n’avons pas le choix. Accroche-toi à quelque chose !

La Barabel plaqua la lame de son sabre laser contre la paroi de chair du vaisseau d’esclaves. Un horrible gargouillis s’éleva quand la vibrolame la traversa. Le vaisseau frémit pendant que Saba transformait le trou en une fente d’un mètre de long, puis de deux. Les tissus résistaient, cautérisant les bords de la blessure et tuant les extrémités nerveuses. Une poche se développa lorsque les muscles réagirent pour forcer les lèvres du trou à rester fermées. Mais Saba continua à couper.

Quand la fente atteignit cinq mètres de long, elle sentit le muscle trembler et commencer à céder. La brèche s’élargit, dégorgeant dans le vide le contenu du vaisseau d’esclaves.

— Saba, que fais-tu ? cria Mara. Ces gens vont geler !

— Non ! répondit la Barabel en luttant contre le courant qui essayait de l’aspirer aussi. La gelée blorash devrait les isoler pendant quelques minutes. Assez longtemps pour que tu les fasses entrer dans le cuirassé.

— Et comment respireront-ils, pendant ce temps ?

— Grâce aux gnulliths, bien entendu.

— Saba, les gnulliths ne fonctionnent pas dans le vide !

— Ils ne seront pas dans le vide, mais dans la gelée blorash, d’où ils tirent leur oxygène !

La Barabel grogna quand des corps la heurtèrent.

— Fais-moi confiance, Mara. Récupère-les le plus vite possible, et tout ira bien.

J’espère…

Mara lâcha un rire nerveux.

— C’est une idée de dingue. A part une Barabel, personne ne l’aurait eu !

Saba prit les paroles de Mara pour le compliment qu’elles étaient. Tenant à deux mains la poignée de son sabre laser, elle agrandit la fente autant qu’elle l’osa. Si elle était trop grande, les prisonniers s’éparpilleraient trop pour que Mara puisse les récupérer tous. Si elle était trop petite, le vaisseau d’esclaves ne se viderait pas assez vite, laissant le temps aux renforts yuuzhan vong d’arriver.

Après un moment, elle désactiva le sabre laser et rampa vers Danni, désespérément accrochée à la console de commande.

— C’est le moment de partir d’ici, dit Saba, entourant les épaules de son amie d’un bras presque aussi long que Danni était grande.

— Il y a un point positif dans ton plan ! Notre sortie ne pourra pas être pire que notre entrée !

— Nous arrivons, Mara, dit Saba dans le comlink.

Serrant Danni contre sa poitrine, elle lâcha prise et fut aussitôt entraînée par le courant. Les autres prisonniers les heurtant toujours au passage, Saba s’enroula autour de Danni pour la protéger.

Elle dériva dans l’espace dans un amas de gelée blorash qui contenait environ quarante personnes. La gelée se solidifia lentement autour d’elle, maintenant la pression.

— Nous sommes dehors, dit-elle.

— Continue à parler, conseilla Jacen. Ça nous permettra de vous localiser.

— Non… Récupérez… les… autres…

Saba ne put en dire plus. La gelée blorash continuait à se solidifier, bloquant ses poumons.

Impuissante, elle regarda l’espace à travers la gelée transparente, se demandant si ce serait la dernière chose qu’elle verrait. Elle repensa aux siens, éjectés du vaisseau d’esclaves, autour de Barab I. Certains étaient-ils conscients ? Ou dormaient-ils, comme les prisonniers de ce vaisseau-là ?

Saba remarqua des lumières vives. La plus grosse venait du soleil de Borosk. Elle supposa que les autres étaient les chasseurs Tie qui avaient décollé du Broyeur d’Os pour faire de la place aux prisonniers du vaisseau d’esclaves. Pour le moment, il n’y avait pas de signe d’attaque des Yuuzhan Vong.

— Splendide, dit Danni, les dents serrées, en regardant les globules de gelée dériver devant ses yeux.

Les sphères rougeâtres scintillaient sous le soleil, longue spirale qui prenait naissance dans le vaisseau d’esclaves… qui se dégonflait rapidement.

Saba n’eut pas l’énergie de répondre. Elle se contenta de regarder, se demandant ce qui se passerait quand la gelée serait totalement figée.

Soudain, la bulle qui les contenait s’arrêta abruptement, puis tomba. Soulagée, Saba comprit qu’elle avait été récupérée par le rayon tracteur, qui les conduisait dans la soute du Broyeur d’Os.

— On vous tient, dit Jacen. Tout va bien ?

— Je suis là, souffla Danni. Mais je ne suis pas sûre… pour Saba.

Danni semblait s’accommoder mieux qu’elle de la solidification de la gelée, pensa la Barabel. Peut-être à cause de la capacité pulmonaire inférieure des humains. Ayant une cage thoracique plus grande, une Barabel dépensait plus d’énergie pour la gonfler. Danni et les autres humains survivaient plus facilement en prenant de petites inspirations.

Mais connaître l’origine du problème ne lui donnait pas la solution ! Sur le point de s’évanouir, elle ferma les yeux et se concentra sur les techniques Jedi pour économiser son souffle.

Saba crut entendre la voix de Jacen, lointaine et vague, puis elle vit des lumières clignoter, et entendit des coups sourds.

Le Broyeur d’Os de Braxant essuyait un tir nourri. Alors qu’elle aurait dû être soulagée d’être en sécurité, Saba pensa aux autres prisonniers de la gelée blorash, espérant qu’ils avaient tous été récupérés avant l’arrivée des Yuuzhan Vong.

Elle frissonna quand les lumières clignotantes augmentèrent d’intensité. Les Vong ne pouvaient pas être si près ! Non, se répondit-elle. Ces éclairs venaient de lasers, pas de tirs de plasma.

Elle essaya d’ouvrir les yeux et de regarder autour d’elle.

— Saba, haleta Danni près de son oreille, garde-les fermés. Ce ne sera plus long, mon amie à écailles.

Saba entendit un crépitement, qui augmenta peu à peu. La masse de gelée tremblait violemment.

La Barabel sentit la pression se relâcher autour d’elle. Puis Danni se tortilla pour sortir de son étreinte, et elle s’aperçut, soulagée, qu’elle pouvait de nouveau respirer.

Elle ouvrit les yeux et entendit le contrôle SD annoncer que le sauvetage avait été effectué avec une « efficacité optimale ». Elle vit Jacen enlever des morceaux de gelée de la combinaison de Danni, puis venir l’aider à faire de même. L’esprit de la Barabel étant encore embrumé, il lui fallut quelques minutes avant de comprendre ce qui se passait autour d’elle.

Elle était sur un pont d’atterrissage. Plus de cinquante sphères de gelée solidifiées emplissaient l’espace. Des lasers les découpaient pour dégager les prisonniers humains. Saba les percevait dans la Force : ils auraient tous besoin de soins pour se remettre de l’effet des drogues injectées par les gnulliths, mais il semblait bien que la majorité survivrait.

Elle éclata de rire quand Jacen et Danni l’aidèrent à se lever. La scientifique la prit dans ses bras, montrant à la fois son soulagement et sa gratitude, pendant que Jacen tapotait amicalement ses blindages d’épaules. La satisfaction de Saba était si forte qu’elle craignit un moment que ses jambes refusent de la porter.

— Coordonnées du saut hyperspatial initial verrouillées, annoncèrent les cerveaux de droïds.

— Emmenez-nous hors d’ici, dit Jacen.

Il retourna dans le cockpit de Tie d’où il superviserait la fuite du Broyeur d’Os.

Saba le regarda partir, sentant la fierté qu’il éprouvait à son sujet. Pour lui, c’était ça, être un Jedi : sauver des vies, protéger la liberté et résister au mal. Elle était contente d’avoir su lui donner – ainsi qu’à elle-même – quelque chose dont il pouvait être fier.

Quelle meilleure façon de leur rendre hommage ?

Saba inspira à fond. L’air le plus délicieux qu’elle ait jamais respiré !

 

— Ici le capitaine Syrtik de la Garde de Galantos, dit le chef des ailes Y en approche.

Les chasseurs, beaucoup plus vieux que celui de Jag Fel, et plus difficiles à manœuvrer, s’arrachèrent à l’attraction de Galantos selon un plan de vol strictement contrôlé. Leurs moteurs à ions étaient démodés, mais encore assez puissants pour dépasser le Fierté de Sélonia et amener des renforts à l’Escadron Soleils Jumeaux. Les batteries de turbolaser de la frégate suivirent la trajectoire des ailes Y, prêtes à répondre à tout signe d’hostilité.

— Annoncez vos intentions, capitaine Syrtik, dit la capitaine Mayn.

— Nous sommes venus vous aider. Dites-nous à qui obéir, et nous ferons ce que nous pourrons.

— Le conseiller Jobath a finalement entendu raison ? demanda Mayn.

Syrtik hésita un instant avant de répondre.

— En fait, capitaine, j’agis sans ordres.

Cette fois, Mayn marqua une pause.

— Très bien, dit-elle enfin. Pour vos instructions, référez-vous à l’Escadron Soleils Jumeaux. Nous vous suivrons dès que possible.

— Capitaine Syrtik, dit Jag Fel, ici le co-leader de Soleils Jumeaux. Passez sur la fréquence vingt-neuf pour recevoir vos ordres.

Jag surveillait la bataille de près sur ses moniteurs. Les deux vaisseaux d’esclaves s’étaient rapprochés et les coraux skippers réorganisés maintenaient une défense serrée. L’analogue de frégate restait toujours en arrière, protégé par un trio de skips déterminés.

Syrtik passa sur la nouvelle fréquence.

— Jusque-là, notre priorité était de démolir les vaisseaux d’esclaves, dit Jag. Mais la situation a changé. Ils se sont réorganisés. Il nous faudra éliminer le dernier vaisseau. Quelle que soit la monstruosité qui élabore leur stratégie, elle est là-dedans.

— Un yammosk ?

— Je le pense, confirma Jag. (Puis il ajouta, pour les nouveaux venus :) Nous avons des brouilleurs dans le Sélonia. Jusqu’à ce qu’ils arrivent, il faudra faire attention !

Il s’interrompit, fronçant les sourcils. Il avait remarqué l’absence du Faucon, mais sa signification ne lui était pas apparue jusque-là. Le vieux vaisseau était tranquillement retourné vers Galantos dès que les ailes Y étaient arrivées, comme s’il avait autre chose à faire. Ce n’était probablement rien, mais il ne pouvait s’empêcher de se sentir mal à l’aise. Tahiri était à bord du Faucon…

Mais il avait trop à faire pour penser à ça.

— Nous allons vous diviser en trois groupes, dit-il à ses nouveaux alliés. Un escadron viendra avec moi pour éliminer l’analogue de frégate. Soleils Jumeaux Deux a déjà fait quelques progrès avec les vaisseaux d’esclaves, donc elle continuera, avec l’aide du deuxième escadron. Le troisième fournira des diversions à la demande.

— Vous n’avez pas d’instructions spécifiques pour le moment ? demanda une autre voix, légèrement paniquée.

Jag leva les yeux au ciel, se souvenant que les Fia étaient des gens précis et organisés. Il avait supposé que les chasseurs seraient pilotés par des espèces dont la morphologie conviendrait mieux à l’intérieur d’une aile Y. Mais ils avaient dû apporter des modifications importantes aux couchettes de vol standard pour les adapter à leurs corps.

— Tout ira bien, dit-il. Faites ce que nous vous dirons. Maintenant, séparez-vous. (Fel choisit un escadron au hasard parmi les trois qui approchaient.) Bleu, vous êtes avec moi.

— En fait, c’est Indigo, dit le capitaine Syrtik.

— Désolé, Indigo. Jumeaux Deux prendra Rouge.

— Cerise.

Jag soupira d’exaspération.

— D’accord. Ça laisse Vert pour…

— Réséda.

— D’accord ! L’Escadron Réséda pour l’approche générale. C’est clair ?

Un chœur de réponses affirmatives lui répondit.

— Bien. Leader Réséda, passez sur la fréquence dix-sept.

Alors que les nouveaux arrivants se disposaient sur le champ de bataille, Jag prit une seconde pour reprogrammer l’écran de diagnostic. Le nombre de vaisseau avait plus que doublé. Ignorant les capacités des Fia, il avait besoin de toutes les informations techniques possibles.

— Tu es d’accord avec ça, Brindilles ? demanda-t-il sur une fréquence privée.

— D’accord à fond, dit Jaina. Mais espérons que se soit vite terminé.

Son aile X s’éloigna, emmenant ses nouveaux équipiers décrire une boucle serrée autour des vaisseaux d’esclaves en poussant devant elle deux skips inhabituellement prudents.

— Je suis de ton avis, dit Jag. Mais j’ai peur que le pédantisme des Fia ne fasse de cette bataille la plus longue que nous aurons menée.

— Ce n’est pas ce que j’espérais entendre, dit Jaina d’une voix fatiguée.

Cette lassitude inquiéta Jag. Il ignorait ce qui s’était passé à N’zoth, mais ça devrait attendre jusqu’à ce qu’ils aient réglé le problème immédiat.

Il guida ses nouveaux compagnons de vol autour des vaisseaux d’esclaves, vers l’analogue de frégate. Des skips se lancèrent aussitôt à leurs trousses, divisant la formation d’ailes Y en quatre. Deux des vieux vaisseaux restèrent avec Jag – uniquement parce qu’il ralentit et manœuvra le moins possible. Dès que le premier skip apparut dans son réticule de visée, il laissa son instinct reprendre le dessus.

Le skip dansa sur son écran, évitant de justesse ses salves. Des basals dovin interceptèrent les rayons laser.

Les compagnons de Jag ajoutèrent au tir de barrage, mais ils ne maîtrisaient pas les nouvelles techniques.

Leur intervention était à peine plus qu’une diversion. Malgré tout, il apprécia leur aide.

— Procédez comme ça, les gars, dit-il en approchant de la queue du skip.

Il fit cracher ses turbolasers avant de lancer une torpille à protons dans la gueule du basal dovin surchargé.

Le corail skipper explosa. Jag traversa le nuage de débris.

— Vous avez pigé ? demanda-t-il quand il se fut assuré que plus rien ne le suivait.

— Une technique ingénieuse, admit un des pilotes. Mais son efficacité augmente-t-elle en proportion directe de l’irrégularité des…

— Pas le temps pour ça, Indigo Cinq ! lança un autre pilote. Nous parlerons de ces détails plus tard.

Jag soupira de soulagement et expédia une autre salve de rayons laser dans le flanc de la frégate. Ses compagnons l’imitèrent, évitant le plasma de l’ennemi.

 

Autour de Borosk, les rapports triomphants de l'Inflexible étaient obscurcis par les terribles pertes du Protecteur et du Vaillant. Pour chaque formation qui parvenait à s’approcher du yammosk identifié par l’Alliance Galactique, cinq étaient détruites. Une situation catastrophique…

Pellaeon se demanda pourquoi ça ne marchait pas. Etait-ce à cause d’un manque de confiance envers les pilotes Jedi qui leur avaient appris ces techniques, ou d’une incapacité à s’adapter rapidement à des tactiques nouvelles ?

Il continua d’écouter.

— Bleu Trois, continuez à me couvrir. J’y vais !

— Rouge Sept, surveillez vos arrières.

— J’ai une bonne piste dans le secteur quatorze, Leader Blanc.

— Sur votre droite, au-dessus, Vert Dix. Sur votre droite !

— Je suis touché ! Stabilisateurs en panne. Je vais…

Il y eut une explosion… Une vie de plus perdue à cause des tirs ennemis.

Ecouter les conversations ne remontait pas beaucoup le moral de Pellaeon, mais il continuait parce que cela lui donnait une idée générale de la bataille. Le moral des troupes était un facteur important, et un commandant avisé ne devait jamais l’ignorer.

Globalement, il avait le sentiment qu’ils perdaient du terrain. La retraite vers le champ de mines de Borosk avait d’abord été tactique, pour permettre de regrouper les forces impériales autour de la planète et de résister à l’ennemi sur davantage de fronts. Le Grand Amiral avait vu ce qui était arrivé à Coruscant, et même si Borosk n’affrontait pas des forces aussi importantes, la planète était moins bien défendue. Pellaeon avait espéré tenir la planète jusqu’à ce que les Yuuzhan Vong perdent patience, ou que leurs ressources s’épuisent. Mais sa flotte perdait plus de terrain qu’elle n’en gagnait, et la hargne des Vong démoralisait les troupes. S’il n’arrivait pas à inverser le mouvement, cela leur coûterait cher.

— Maintenez le trio de boucliers comme prévu ! cria un pilote.

— A quoi bon ? répondit une autre voix. Ça ne marchera jamais, et vous le savez !

— Bouclez-là, Gris Quatre ! Nous avons mieux à faire que vous écouter gémir.

Un sifflement aigu retentit sur la ligne privée de Pellaeon, qui se détourna de la bataille pour répondre.

— Qu’y a-t-il ?

Devenue l’aide de camp du Grand Amiral, Yage s’assurait que seuls les messages importants lui parvenaient.

— J’ai un rapport du lieutenant Arber, monsieur. Le MAG a été installé sur le Défiant. Il est prêt pour un essai.

— Excellent, dit Pellaeon.

Les vaisseaux impériaux n’étaient généralement pas équipés de Modulateur d’Amplitude Gravitationnelle, des dispositifs rares et coûteux. Celui-là avait été transféré d’urgence d’un système voisin, et reprogrammé suivant les spécifications de l’Alliance Galactique. Si tout allait bien, le dispositif brouillant les communications du coordinateur de guerre, comme Luke Skywalker l’avait assuré, cela pouvait changer le cours de la bataille.

— Dites au lieutenant Arber de passer directement à l’attaque, sans essai. Et informez la capitaine Essenton de soutenir Arber. C’est une vieille râleuse, mais quand elle verra ce que le MAG peut faire, elle obtempérera.

Yage ne dit rien. Mais elle savait qu’aucun Impérial n’avait jamais vu un brouilleur de yammosk à l’œuvre. Tout reposait sur la parole de Skywalker. S’il se trompait…

Pellaeon regarda le Défiant quitter l’orbite défensive que les autres grands vaisseaux suivaient, au-dessous des champs de mine. Un essaim de chasseurs Tie l’accompagnaient, lui frayant un chemin vers le vaisseau qui abritait le yammosk.

Le Défiant fut accueilli par des tirs de plasma. Ses boucliers attaqués par les basals dovin, il répliqua à coups de turbolaser, éliminant des vols entiers de coraux skippers.

L’espace s’emplit de débris et de gaz enflammé. Pellaeon admira la détermination et l’habileté d’Essenton alors qu’elle conduisait le destroyer au cœur des troupes ennemies.

Dès qu’il arriva à portée, le lieutenant Arber activa le brouilleur de yammosk. Sans comprendre les détails techniques, Pellaeon savait comment l’appareil fonctionnait. Il diffusait des impulsions gravifiques codées destinées à altérer les impulsions similaires utilisées par les yammosks pour communiquer avec les vaisseaux qu’il commandait. Brouiller le yammosk revenait à supprimer l’esprit qui supervisait les attaques des coraux skippers.

Les effets furent immédiats. Les coraux skippers devenant maladroits et mal coordonnés, la bataille se transforma en centaines d’escarmouches localisées.

Le yammosk lutta contre le brouillage et reprit brièvement le contrôle de certains vols. Mais le Défiant continua d’avancer vers le vaisseau en tirant des torpilles à protons.

Le yammosk fit de son mieux. Même des coraux skippers perturbés pouvaient difficilement rater une cible aussi grosse que le destroyer.

Une série de skippers-suicide se jeta sur la proue passerelle. Les chasseurs formèrent une ligne de défense autour du vaisseau, forçant les attaquants à arriver selon un angle précis et les descendant dès qu’ils étaient à portée.

Les forces des Yuuzhan Vong n’étant pas assez coordonnées pour tirer avec précision, cette tactique élimina beaucoup de coraux skippers censés défendre le vaisseau du yammosk.

Des chasseurs Tie attaquèrent aussi les skips, tirant tant de rayons laser que leurs basals dovin ne purent pas les absorber. A ce moment, le yammosk comprit qu’il allait perdre et utilisa ses grands navires comme diversion. En vain. Comprenant que l’élimination du yammosk était la clé de la victoire, les forces impériales continuèrent leur assaut sans se laisser distraire. Elles arrosèrent le vaisseau central d’un feu continu, jusqu’à ce qu’il commence à perdre de l’atmosphère, des corps sortant des trous de sa coque.

Mais le yammosk continua à se battre. L’explosion de deux vaisseaux ennemis envoya assez de débris dans l’espace pour ralentir momentanément l’attaque des Impériaux.

Un pilote de Tie plus rapide et précis que les autres toucha le réservoir où vivait le yammosk. Délogée de son antre, la créature alla tourbillonner dans l’espace, suivie par un cortège de rubans de glace.

Le Défiant élimina alors les grands vaisseaux restants.

Pellaeon se réjouit qu’une attaque hardie ait porté ses fruits. Le commandant de la flotte yuuzhan vong avait dû capter le message : Nous pouvons vous faire du mal.

Mais la bataille n’était pas terminée pour autant. Pendant que le Défiant était occupé ailleurs, l’ennemi avait traversé le champ de mines, le Droit de Gouverner tentant de réparer les dégâts. Les turbolasers et les boucliers planétaires étaient mis à rude épreuve, et de plus en plus de coraux skippers arrivaient près du sol. S’il y avait un autre yammosk dans la flotte ennemie, il ne tarderait pas à prendre la relève.

Le temps…

C’était ça qui comptait, pensa Pellaeon. Il ignorait combien de temps Vorrik, le commandant des Yuuzhan Vong, pouvait consacrer à écraser la flotte impériale. Mais si sa mission était seulement destinée à briser le moral de l’Empire, il était engagé dans un conflit plus prolongé que prévu.

La capitaine Essenton, du Défiant, annonça la localisation d’un autre yammosk, et demanda l’autorisation de l’attaquer. Pellaeon la lui donna. Soutenir la pression était la chose la plus importante pour le moment.

Pellaeon sentait que la bataille approchait d’un tournant décisif.

Il espéra qu’il serait en leur faveur.

La voix de Luke Skywalker résonna soudain dans son récepteur.

— Amiral, j’ai pensé que vous aimeriez savoir que le Broyeur d’Os est sur le chemin du retour.

— La mission ?

— Un succès, j’imagine… J’ai parlé brièvement à Mara avant le saut hyperspatial, et elle semblait satisfaite.

— Dans ce cas, je pense que nous aurons bientôt des nouvelles de vos amis les Yuuzhan Vong !

— Etre trop sûrs de nous serait une erreur, dit Luke. Les Vong ne battent pas en retraite, même quand toutes les chances sont contre eux.

— Mais ils ne sont pas stupides. Si ce que vous dites est vrai, Shimrra ne peut pas se permettre une campagne trop longue, et Vorrik le sait certainement. Désobéir aux ordres pourrait lui coûter plus cher que de fuir une bataille…

Le Jedi ne répondit pas. Un silence éloquent…

— Je sais ce que vous pensez, fit Pellaeon. Jacen a dit au Moff Flennic que l’Empire n’est rien, comparé à l’Alliance Galactique. Il avait raison, et ça signifie que j’ai raison aussi. Shimrra veut nous intimider, pas nous détruire, et du point de vue de Vorrik, ce but est atteint. Il a rasé Bastion, il nous a obligé à battre en retraite à Borosk, et il attaquera probablement les chantiers navals en partant. Il peut penser qu’il a fait son travail.

Un bip retentit sur la fréquence.

— Une transmission de l’ennemi, amiral, annonça Yage.

— Transférez-la sur une fréquence générale. Je veux que tout le monde entende.

— Votre résistance retardera seulement l’inévitable, dit Vorrik. Nous n’aurons aucune pitié. Nous détruirons vos demeures, et vos dépouilles seront utilisées pour fertiliser nos récoltes. Votre territoire sera absorbé par l’empire yuuzhan vong comme le reste de votre galaxie. Vous…

— Désolé de vous interrompre, Vorrik, dit Pellaeon, mais je ne vois aucune preuve de votre grand plan d’élimination ! Nous détruisons vos yammosks, nous avons tué vos espions, et nous vous avons enlevé vos prisonniers. Vous n’avez pas les moyens de prendre cette planète, sans parler des autres. Vos menaces sont vaines.

— Je vous ferai ravaler ces paroles quand…

— Vaines ! répéta Pellaeon. C’est le moment de tenir vos promesses, Vorrik : détruisez-nous, ou fichez le camp d’ici !

— Par les dieux de mon peuple, infidèle, je vous obligerai à vous étrangler avec ces paroles !

— Peut-être un jour, Vorrik, mais pas aujourd’hui. Vous auriez dû réfléchir à deux fois avant de vous lancer dans cette opération. Surtout si vous n’aviez pas les ressources pour la mener à bien. Nous n’avons pas l’intention de nous rendre. Ni maintenant, ni jamais. Vous gagnerez peut-être quelques batailles, mais l’Empire se dressera toujours contre vous. C’est la promesse que je vous fais !

Vorrik éructa une autre série d’insultes, que Pellaeon ignora.

— Dites-le à Shimrra : s’il veut faire le travail, il lui faudra envoyer une flotte bien plus importante – et un commandant plus compétent !

Pellaeon coupa la communication avant que Vorrik ait le temps de répondre, puis il se détendit. Il était content de la manière dont il avait manipulé le Vong. S’il décidait de rester, Pellaeon voulait être sûr que sa flotte entière le soutiendrait.

Heureusement, quelques instants après la fin de la communication, la moitié des vaisseaux de Vorrik battait déjà en retraite. L’autre moitié continua d’arroser les forces impériales pour les empêcher de tirer parti de la situation. Mais les commandants de Pellaeon en profitèrent quand même pour mitrailler les vaisseaux ennemis, et les escadrons de Tie harcelèrent leur arrière-garde.

Les grands vaisseaux entrèrent dans l’hyperespace et la flotte yuuzhan vong continua à se retirer.

Pellaeon la regarda partir avec soulagement. Mais il savait, sans être navigateur, que les navires se dirigeaient vers des directions différentes.

— Où vont-ils ? demanda-t-il à Yage.

— Les relevés indiquent que les deux tiers de la flotte ont quitté l’espace Impérial.

— Et le tiers restant ?

— Nous n’avons pas obtenu une direction précise, mais nous pensons qu’il pourrait se diriger vers…

— Yaga Minor, acheva Pellaeon.

— C’est ce qu’il semble, monsieur, confirma Yage. Vorrik pense probablement pouvoir faire un massacre pendant que nos forces sont occupées ici.

— Dites au Vaillant de continuer l’attaque. Il faut que leur retraite soit aussi peu digne que possible, l’Inflexible et le Protecteur doivent partir immédiatement pour Yaga Minor, avec le Défiant et le Sans Pareil. Flennic aura besoin de toute l’aide possible pour protéger les chantiers navals.

— Et le Droit de Gouverner ?

— Il reste. J’ai d’autres plans pour ce vieux vaisseau.

— Bien, monsieur.

Yage coupa la communication. Pellaeon ouvrit une fréquence privée avec Luke Skywalker.

— Eh bien, Jedi, nous avons réussi !

— Vous avez réussi, dit Skywalker. Je n’ai pas fait grand-chose, sinon regarder.

— C’est exactement ce qu’il nous fallait, dit Pellaeon. Même si nous n’accepterons sans doute jamais d’ordres de vous, Skywalker, vous nous avez prouvé aujourd’hui qu’il serait judicieux d’accepter votre aide.

— La limite entre les deux est bien mince, amiral.

Pellaeon sourit. Lui aussi savait comment concilier des éléments apparemment opposés. Parfois, il fallait plus qu’un ennemi commun pour rapprocher de vieux adversaires. Et même s’il avait gagné sa première bataille contre les Yuuzhan Vong, Pellaeon n’oubliait pas que la guerre ne faisait que commencer. Le plus dur restait à venir.

— C’est exact, admit-il d’une voix fatiguée.

Un autre bip signala un nouvel appel sur la fréquence privée. Pellaeon l’accepta et entendit la voix du neveu de Skywalker.

— Ici le Broyeur d’Os de Braxant, dit Jacen Solo. Notre soute est remplie de gens qui ont besoin de soins. Vos instructions, je vous prie.

— Broyeur d’Os, ici le Faiseur de Veuves, répondit Yage. Vous devez vous arrimer à la plate-forme médicale Retour d’Haie. Les détails suivent.

Pendant que les ordinateurs des deux vaisseaux échangeaient des données, Pellaeon étudia le cuirassé sur son écran. Sa coque fumait partout où elle avait été perforée.

— Vous avez été touchés, dit-il.

— Pas plus que prévu, mentit le jeune Jedi. L’astuce a parfaitement marché.

— Bien joué, Jacen ! lança Luke. Vous avez fait du bon travail !

— Qu’est-il arrivé à la guerre ? demanda le jeune Jedi d’une voix à la fois soulagée et surprise.

— Elle est partie, lâcha Pellaeon, sarcastique.

— Mais pas très loin, ajouta Luke, et par pour très longtemps.

— Ne vous en faites pas, le rassura Pellaeon. Nous serons prêts quand elle reviendra. Les Yuuzhan Vong regretteront le jour où ils m’ont entraîné dans le conflit !

— Ne laissez pas cette victoire brouiller votre jugement, amiral, dit Luke. Les Vong n’accepteront pas cette défaite. Ce n’est que le début, croyez-moi !

— Vous avez raison, mon ami. C’est le début… de la fin pour eux !

 

Malgré leur inexpérience et un nombre élevé de pertes, les escadrons fia réussirent quelques beaux coups contre l’ennemi. A un moment, Jag eut à peine le temps de remarquer le skip qui le suivait avant qu’il soit éliminé par une salve venue de bâbord.

— Joli tir, Sept, dit-il en virant de bord pour éloigner un autre skip qui menaçait l’arrière de l’aile Y.

Une salve nourrie annonça l’arrivée du Fierté de Sélonia, suivie par une attaque destructrice sur un des deux vaisseaux d’esclaves vides qui se dirigeaient vers la planète pour « moissonner » sa population. Le bâtiment s’était ouvert en deux, lâchant un jet de fluide rougeâtre. Jag regarda les milliers de petites créatures jaillir de la déchirure : des gnulliths, qui moururent aussitôt dans le vide spatial. Jaina et ses compagnons de l’escadron Cerise lâchèrent une série de torpilles à protons dans la brèche, puis battirent en retraite pendant que leurs projectiles déchiquetaient le Vong.

— Un de moins, dit la jeune femme d’une voix triomphante. Jag, comment t’en sors-tu ?

Jag regarda un analogue de frégate qui s’était orienté comme pour partir. Mais il savait que les Yuuzhan Vong n’étaient pas capables de battre en retraite…

— C’est sûrement une ruse, dit-il à ses compagnons. Si vous approchez trop, il…

L’avertissement arriva trop tard. Trois ailes Y piquèrent pour mitrailler le ventre du vaisseau. Soudain, ses basals dovin passèrent à l’action. L’explosion fut si violente que les trois ailes Y se désintégrèrent en même temps que l’analogue de frégate.

Cinq autres furent sérieusement secouées.

— Désolé, Indigo, dit Jag. J’aurais dû vous prévenir plus tôt.

— Ce n’est pas votre faute, Leader Soleils Jumeaux, répliqua Indigo Cinq. Nous sommes très mal entraînés à combattre les Yuuzhan Vong…

Ce qui restait de l’Escadron Indigo rejoignit Jaina pour éliminer le dernier vaisseau d’esclaves. Soleils Jumeaux et Réséda s’occupant des skips survivants, la bataille se termina rapidement.

Quand Jag fut sûr que son cœur avait repris son rythme normal, et qu’il n’y avait plus de coraux skippers dans les environs, il contacta le leader des ailes Y de Galantos.

— Capitaine Syrtik, que se passera-t-il quand vous rentrerez ? Passerez-vous en cour martiale ?

— Ça dépend, dit le Fia. Notre mission est de protéger Galantos, mais nous sommes aussi sous le commandement du conseiller et des primats. S’ils nous accusent d’avoir désobéi…

— Ils ont fait ça ? coupa Jaina. Vous ont-ils réellement ordonné de ne pas nous aider ?

— Tout dépend de la manière dont on définit le mot ordre, dit Syrtik.

— Je n’arrive pas à y croire, continua Jaina. Nous essayons de sauver la peau de ces couards, et ils ont le culot de… (Elle soupira.) Ça attendra. Mais quand ma mère entendra parler de ça, il y aura du grabuge !

— Il y en aura de toute façon, dit Jag. Ils ont essayé de la garder prisonnière sur Galantos. Et peut-être de l’échanger contre la clémence des Vong, quand le vaisseau d’esclaves arriverait.

Il n’y eut pas de réponse, mais Jag vit Jaina expédier ses ultimes torpilles dans l’épave du vaisseau d’esclaves.

— Tu vas bien ? demanda-t-il sur une fréquence privée.

— Non ! A quoi bon défendre ces gens, alors qu’ils pensent à nous poignarder dans le dos ? C’est insensé !

— Je suis sûr que Miza aurait posé cette question, Jaina, dit Jag.

— Je me comporte comme une gamine, hein ?

— Tu te comportes comme Jaina Solo, et ce n’est pas honteux.

— Merci, Jag…

— De rien.

Les escadrons d’ailes Y retournaient sur Galantos avec un quart de leur effectif en moins. Le Sélonia avait envoyé des droïds sondes explorer l’épave du vaisseau d’esclaves pendant que les chasseurs de Soleils Jumeaux se posaient dans ses hangars.

— Nous devrions descendre de nos chasseurs et nous offrir un débriefing privé, dit Jag.

— C’est la chose la plus romantique qu’on m’ait dite depuis des années ! lança Jaina.

Jag sourit, content de l’entendre redevenir elle-même.

— Alors, nous avons rendez-vous ?

— Bien sûr. Pourquoi pas ?

 

Du côté opposé de la planète, loin des combats, le Faucon Millenium suivit la même orbite que le petit yacht. Debout derrière les parents d’Anakin, Tahiri était mal à l’aise à cause de la tension. Yan enrageait de ne pas avoir pu participer à la bataille. Mais quand Tahiri avait proposé qu’ils tentent de trouver le yacht pour en apprendre plus sur le mystérieux individu qui les avait sauvés, Leia avait pris son parti.

— Nous sommes une mission diplomatique, avait-elle rappelé. Si ça implique de ne pas participer à un combat, alors, c’est ce que nous ferons.

— Mais ils ont besoin de notre aide ! avait rugi Yan.

Un argument pas très solide. Il préférait la bataille à la diplomatie, voilà tout.

— L’Escadron Soleils Jumeaux et la capitaine Mayn sauront s’occuper d’un petit contingent de Yuuzhan Vong, avait tranché Leia. Dans une guerre, la diplomatie peut parfois être aussi importante que la bataille. Tu serais étonné de savoir combien de traités sont signés dans des circonstances similaires.

— Je pensais que c’était justement ça qui t’incitait à quitter la politique.

— C’est Une des raisons, Yan.

Remarquant la tension croissante, dans le cockpit, C-3PO s’était éclipsé, prétendant que ses activateurs avaient besoin d’être calibrés. Tahiri aurait aimé avoir une excuse similaire. Et si on n’avait pas eu besoin d’elle, elle aurait bien filé aussi. Encore troublée par le soulagement qu’elle avait éprouvé sur le terrain d’atterrissage, après leur fuite, elle se sentait étrangement légère…

Elle se concentra sur la réalité, oubliant les illusions.

Au-dessus de la planète, le trafic était peu dense. Trouver le yacht en utilisant ses signatures ioniques ne devrait pas être difficile. Et Tahiri savait grâce à la Force que l’homme qui les avait sauvés les attendrait, comme il l’avait dit. Elle ignorait ce qu’il avait à leur dire, mais l’allusion aux Brigades de la Paix montrait qu’il savait de quoi il parlait. La statuette en argent découverte dans les quartiers diplomatiques avait disparu de sa poche, mais elle restait la preuve que les Yuuzhan Vong avaient été impliqués dans l’affaire. L’arrivée des vaisseaux d’esclaves n’était pas une coïncidence, elle l’aurait juré.

Avoir réagi si fortement à la statuette la troublait. Jusque-là, elle n’avait pas compris qu’elle était si sensible aux échos des Yuuzhan Vong.

Elle se força à penser au présent. Utilisant la Force, elle chercha un signe de l’homme qu’elle avait rencontré sur le terrain d’atterrissage de la Cité d’Al’solib’minet’ri.

— Là, dit-elle. C’est lui.

Le yacht volait à la limite de l’atmosphère. Equipé de boucliers rudimentaires, il n’avait pas d’armes apparentes.

— Tu es sûre ? demanda Yan.

— Autant que possible.

— Faucon Millenium, dit une voix dans le communicateur subspatial.

C’était celle que Tahiri avait entendue sur le terrain d’atterrissage.

— Nous vous entendons, fit Yan. Ça vous ennuierait de nous dire qui vous êtes ?

— Un ami.

— Laissez-nous en décider.

— Nous vous connaissons ? demanda Leia.

— Nous ne nous sommes jamais rencontrés, mais vous connaissez les miens.

L’inconnu n’était pas humain, pensa Tahiri. Mais elle n’arrivait pas à déterminer à quelle espèce il appartenait. Elle avait déjà entendu ce timbre de voix chantant… Mais où ?

— Et qui sont « les vôtres » ? demanda Yan.

— Veuillez m’excuser pour la réception que vous avez reçue sur Galantos, continua la voix, sans répondre à la question. Je vous aurais prévenus, si j’avais su que vous arriviez. Mais avant que je puisse m’introduire dans les salles diplomatiques, vous étiez déjà dans une prison dorée. J’ai dû attendre un moment plus propice, quand être démasqué n’aurait plus d’importance.

— Vous êtes un espion ? demanda Leia.

— Pas exactement… Mais je peux vous être utile.

— Nous avons déjà une dette envers vous, dit Tahiri.

— Ce compte a été soldé quand vous m’avez aidé à m’échapper. Nous avons une grande estime pour les Solo, car ils nous ont souvent secourus par le passé. Je suis heureux d’avoir pu vous rendre la pareille.

— Que pouvez-vous nous dire sur Galantos ? demanda Leia. Jaina affirme que les Yevethas ont été détruits. Est-ce vrai ?

— Les sondes des Fia envoyées sur N’zoth confirment que les chantiers navals ont été détruits, mais elles n’ont pas regardé plus loin. Les Fia ont très peur de leurs voisins. Ce qui est arrivé il y a douze ans les a traumatisés. Les Yevethas, malgré leur défaite, étaient encore dans le système, et les Fia ont toujours su qu’ils se manifesteraient de nouveau. La dernière fois, ils ont survécu grâce à la Nouvelle République, ne l’oubliez pas.

— La peur que les Yuuzhan Vong reviennent ne doit pas avoir arrangé les choses, dit Leia.

— Exactement. Les Fia ne sont pas belliqueux par nature, et ils savent que leur armement est dérisoire. Si la Nouvelle République perd, qui protégera Galantos de la Confédération de Koomacht ? Donc, quand un certain groupe les a abordés, l’an dernier, leur promettant de réduire à néant la menace yevethienne, vous pouvez imaginer qu’ils ont trouvé l’offre très tentante.

— C’est là qu’est intervenue la Brigade de la Paix, dit Tahiri. Des ressources en échange de la sécurité.

— Oui. La Brigade de la Paix a pris les minerais dont elle avait besoin, et N’zoth a été détruite grâce aux informations que les Fia ont données à la Brigade, qui les a communiquées aux commandants vong. Les Fia avaient plus peur des Yevethas que des Vong. Ce marché semblait avoir assuré leur sécurité.

— Tout ça sans que nous en sachions rien, dit Leia.

— A cause du black-out des communications.

— Etait-ce inclus dans le marché ? La rupture des communications avec la Nouvelle République ?

— Oui.

— Pourquoi ? demanda Tahiri.

— Par peur des représailles.

— De la Brigade ?

— De la Nouvelle République… Vous n’appréciez pas beaucoup les gens qui pactisent avec l’ennemi.

— Et nous avons de bonnes raisons ! grogna Yan. Je n’arrive pas à croire que nous avons perdu du temps à essayer de sauver une bande de meurtriers d’un sort qu’ils méritent probablement ! Nous aurions dû laisser les Vong les emmener dans les vaisseaux d’esclaves !

— Tu ne le penses pas vraiment, Yan, souffla Leia.

— Ne me dis pas que tu leur pardonneras ce qu’ils ont fait ! Les Yevethas ne savent pas perdre. Ils sont – ou étaient – aussi cinglés que les Vong sur ce point. Ils allaient se battre jusqu’au dernier, et les Fia le savaient. Ça les rend aussi coupables de génocide que les Yuuzhan Vong.

— Les Fia ont été manipulés, dit Leia. Les Yevethas auraient détruit les Fia, et nous en prime, mais je ne t’ai jamais entendu préconiser de les assassiner tous. Les Fia sont autant victimes que les autres dans cette affaire.

— Ou l’auraient été, si nous n’étions pas arrivés au bon moment…

— Les gens font parfois des choses stupides. Je ne dis pas que j’approuve ce que les Fia ont fait, ni que je ne suis pas en colère contre eux. Mais je comprends pourquoi ils ont agi comme ça : par peur. Et en se coupant de leurs alliés, ils se sont aussi désignés comme des esclaves pour les Vong. Mais ça n’en fait pas nos ennemis. Nous sommes là pour rouvrir les communications et sauver des vies. Pas pour juger de qui mérite ou non de vivre !

Yan grogna mais ne discuta pas.

— Nous sommes arrivés à pic, dit Tahiri, que la conversation mettait mal à l’aise. Et c’est vous qui nous avez prévenus, je suppose.

— Oui, confirma la voix. J’essayais de faire sortir les informations du système depuis un certain temps, mais j’ignorais si j’avais réussi. Quand vous êtes arrivés, le conseiller Jobath a paniqué et vous a envoyé un sous-fifre pour ne pas avoir à vous affronter. Le primat Persha s’est affolée et elle vous a collé un assistant sur le dos. Je suis persuadé que Thrum aurait aimé trouver quelqu’un à qui refiler la patate chaude, mais il était en bas de l’échelle. Vous avez pu explorer la ville et chercher des indices – et vous n’avez pas tardé à soupçonner la vérité.

— Ça vous a aussi permis de vous approcher de nous, dit Leia.

— Exact. D’abord, je vous ai laissé un message dans votre ordinateur, mais je n’ai pas pu m’expliquer correctement, car j’avais trop peu de temps. Puis les Vong sont arrivés, et la sécurité s’est renforcée. Les Fia pensaient que le vaisseau d’esclaves était un cargo venu chercher des provisions.

— Les provisions, c’étaient eux, souffla Yan.

— Oui.

— Je dois admettre que ce n’était pas un mauvais plan, dit Leia. Les Yuuzhan Vong ne sont pas assez nombreux pour prendre cette région par la force. Alors, ils se fient à des groupes comme la Brigade pour faire leur travail à leur place. C’est efficace. Et je suis sûre que ce n’est pas le seul endroit où ils ont tenté ça !

— Vous avez raison, princesse. Il y a beaucoup d’autres black-out des communications dans ce secteur de la galaxie. Il est difficile de savoir si ce sont de simples incidents ou l’œuvre de la Brigade de la Paix. A certains endroits, la réponse a été trouvée trop tard. Rutan et sa lune, Senali, ont été infiltrées par la Brigade, il y a plus d’un an. Quelques mois après, les Senaliens furent éliminés par une attaque des Yuuzhan Vong, qui ont ensuite réduit les Rutaniens en esclavage.

— Rutan était sur notre liste, dit Leia à Yan.

— Et Belderone ? demanda l’inconnu.

— Aussi.

— A cause des Yuuzhan Vong, les Firrerreos sont désormais une espèce éteinte. Et les Belderoniens suivront.

— Comment pouvez-vous savoir tout ça ? demanda Yan. Si les communications sont interrompues, je ne vois pas comment vous avez pu apprendre ces nouvelles !

— Vraiment ?

— Vous étiez au courant de notre mission, dit Tahiri.

— Et vous vous êtes introduit dans les ordinateurs du Faucon, sur Mon Calamari, ajouta Leia. A quel peuple appartenez-vous ?

— Si je vous le disais, vous ne me croiriez pas. Pas encore…

— Essayez toujours, grogna Yan.

Le pilote du yacht ricana.

— Disons que je fais partie d’un réseau. Nous ne sommes pas des espions, mais nous gardons les yeux ouverts. Et nous sommes doués pour entrer discrètement partout là où nous voulons aller. Nous ne travaillons pour personne d’autre que nous-mêmes. Et nous ne vendons pas les informations que nous collectons. Bref, nous ne sommes pas une menace.

— Mais pourquoi faites-vous tout ça ? demanda Yan. Qu’y gagnez-vous, si vous ne vendez pas les informations ?

— Je mentirais en prétendant que nous cherchons exclusivement à aider les autres. En réalité, nous agissons pour nous protéger. Nous ne sommes pas des guerriers… ni des espions. Simplement le genre de peuple qui se fait prendre entre deux armées et écraser sans qu’on le remarque. C’est en partie pour ça que nous pouvons faire mieux que les soldats et les espions. Nous sommes invisibles, et présents partout.

— Pourquoi nous aider, dans ce cas ?

— Parce que la paix dépend de la bonne santé de votre Alliance Galactique. Et parce que nous sommes en position de le faire. Bref, nous sommes de votre côté.

— Pour le moment, dit Yan.

— Oui, capitaine Solo, pour le moment… Maintenant, je dois quitter le système et faire mon rapport. Vous, vous devez choisir votre prochaine destination.

— Attendez, dit Leia. Je suppose que vous ne pourrez pas nous aider ?

Yan regarda Leia. Mécontent que la première partie de leur voyage ait été déterminée par un message anonyme, il n’appréciait pas davantage l’idée de recevoir d’autres instructions de la même manière…

— Vous nous avez déjà aidés, dit Leia, ignorant le regard de son mari. Si vous avez d’autres conseils, je suis prête à les écouter.

— Très bien. Où comptiez-vous aller ?

— Nous n’en avons pas encore parlé, mais je pensais à Belsavis. Il y a eu des problèmes de communication, récemment, et le conflit entre les secteurs de Senex et de Juvex risque d’inspirer les Yuuzhan Vong.

— Je crains que ce soit déjà trop tard pour eux. Il vaudrait mieux aller à un endroit où la corruption en est à ses débuts. Vous pourriez empêcher que ça dégénère…

— Si vous avez raison, souligna Yan. Mais comment saurons-nous que vous ne nous envoyez pas sur une fausse piste ? Vous pourriez être un membre de la Brigade de la Paix !

— Exact, dit le pilote, et je pourrais vous expédier dans un endroit pire qu’ici. D’ailleurs, ce sera le cas si vous suivez ma suggestion, car je pensais à Bakura.

— Bakura ? Voulez-vous dire que… ?

— Je ne vous raconterai rien, parce que j’en sais très peu. Nos moyens normaux de communication ont été coupés, et ça nous inquiète. Si l’Imperium ssi-ruuvi est de nouveau actif, une attaque pourrait être très grave. Ces gens ont eu le temps de réunir une nouvelle armée de droïds, et de perfectionner leur technologie de technition.

Il y eut un moment de silence. Tahiri était trop jeune pour se souvenir de la lutte contre les Ssi-ruuk, mais elle en avait entendu parler. Aussi xénophobes que les Yevethas, les extraterrestres reptiliens avaient été repoussés par la Nouvelle République grâce à son alliance avec les Chiss. Leurs techniques de contrôle mental et de « technition » rivalisaient en horreur avec celles des Yuuzhan Vong. Monde pacifique, Bakura se dressait entre l’Imperium ssi-ruuvi et le reste de la galaxie…

Et si les Vong et l’Imperium s’alliaient d’une façon ou d’une autre, ce serait un désastre.

Du calme, se dit Tahiri. Ne perds pas ton calme maintenant.

— Merci, déclara Leia. Nous vous sommes reconnaissants de votre assistance.

— Ouais, fit Yan. Nous allons aviser…

— Y aura-t-il quelqu’un comme vous, là-bas ? demanda Tahiri.

— On vous contactera.

— Qui ?

— Quelqu’un… Je vous l’ai dit, nous sommes partout.

— Nous donnerez-vous au moins votre nom ?

— Patience, jeune Jedi. Nous chanterons bientôt votre chanson.

Avant que Tahiri puisse demander ce que l’inconnu voulait dire, la communication cessa, et le yacht s’éloigna.

Tahiri entendit Yan grogner de dépit.

Soudain, elle eut une illumination, se rappelant où elle avait entendu une voix comme celle-là. Et si elle ajoutait à ça la dernière phrase énigmatique de l’inconnu…

— C’est un Ryn ! s’écria-t-elle.

— Un Ryn ? répéta Yan. Impossible !

— C’en est un. J’en suis sûre.

— Mais que ferait-il dans cette affaire ? Un Ryn se remarquerait comme le nez au milieu de la figure !

— J’ai peur que nous devions nous débrouiller pour trouver la réponse seuls, conclut Leia.

L'Hérétique de la Force T1 - Les vestiges de l'Empire
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